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Indes réunionnaises
    

     TAGORE : LA DERNIÈRE MOISSON

   Tristan ROUQUET


     Exposition à Paris au Petit Palais jusqu'au 11 mars : Horaires. Du mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturne le jeudi  jusqu'à 20h. Fermé le lundi et les jours fériés. Tel: 01 53 43 40 00 - www.petitpalais.paris.fr.

   Lors d'une rencontre pour le spectacle Omkara II, Raghunath Manet nous indiquait que, « en Inde, il faut être bercé aux quatorze arts ». Tagore, lui, en maîtrisait trois. Celui d'écrire : il fut prix Nobel de littérature en 1913. L'art de composer : musicien prolifique, certaines de ses œuvres sont désormais devenues hymnes nationaux, en Inde et au Bengale. Et puis, enfin, autre art dans lequel il n'a sans doute pourtant pas été bercé : la peinture. C'est à l'âge de soixante-sept ans que l'artiste commence cette entreprise. Peu connues du grand public, ses œuvres font, à l'occasion du 150ème anniversaire de sa naissance, le tour des galeries du vieux continent. Après Berlin et Amstelveen, c'est au tour de Paris d'accueillir La Dernière Moisson. Au sein du Petit Palais, Tagore prend forme et place à travers quatre-vingt-dix-huit pièces.

   Les œuvres proposées sont des peintures et des dessins. Pas de toile, seulement du papier. Comme si Tagore n'avait pas changé de support depuis le début de cette pratique. Autodidacte, l'écriture fut pour lui un apprentissage inconscient de la peinture. Cette dernière se serait imposée à lui, lorsque les ratures de ses manuscrits commencèrent à prendre forme. De cette genèse découle une porosité entre les arts que Tagore maniait. Dans un texte de 1930, présenté au début de l'exposition, l'artiste explique la vision qu'il a de son œuvre picturale : « Mon instinct et mon expérience m'ont appris que lignes et couleurs dans l'art n'ont pas à être porteuses d'informations : elles cherchent seulement une incarnation rythmique dans la peinture ». C'est cette notion de rythme qui unit les pratiques de Tagore entre elles. C'est cette notion de rythme qui accompagne toute l'exposition.

   Entre l'encre et le papier, se distinguent des figures humaines, des animaux, des paysages... Aucune de ces œuvres n'est ancrée directement dans le réel. Tagore évoque. Il suggère, plus qu'il ne dit. Car, comme Sylvain Lecombre – conservateur en chef des musées de la Ville de Paris – le rappelle : « Ce que Tagore appréciait dans la peinture, un peu comme dans la musique d'ailleurs, c'est que c'était un mode d'expression qui ne passait pas par les mots ». Ainsi, sur les quatre-vingt-dix-huit créations exposées, aucune ne souffre du poids d'un titre. L'homme qui s'est élevé contre les nationalismes laisse les mots, pour parler un langage universel.

   Résolument modernes, les peintures de Tagore évoluent comme des électrons libres. Inutile de connaître l'ensemble de son œuvre pour en apprécier cette partie. Mieux encore, elles constituent une sorte de Cheval de Troie pour nous conduire vers ses autres expériences artistiques. Pour Monsieur Lecombre, « on retrouve dans les peintures de Tagore sa vision poétique du monde. » Et ce dernier d'ajouter que ce qu'il faut récolter de cette dernière moisson, c'est la découverte d'un artiste encore trop méconnu en occident.

 © Tristan Rouquet, 2012

 

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