Interview
- IR : Daniel Vincendo, pouvez-vous tout d'abord vous
présenter aux visiteurs du site Indes réunionnaises ?
DV : Réunionnais (Créole dans le vrai sens du
terme !) originaire du sud de lîle, je suis installé en Métropole depuis quelques
années. Je reste cependant en contact étroit avec la Réunion, de même avec
lInde. Je collabore, par ailleurs, à Terres dAsie, un site portail
consacré à lAsie (http://www.terredasie.com)
- IR : Vous avez écrit et publié un livre consacré à
l'Inde et à son image : quand, comment et pourquoi vous êtes-vous intéresséà ce pays
?
DV : Mon intérêt pour lInde remonte vers le milieu des années
'80. Curieusement, je ne saurais dire pour quelle raison cet engouement. Je sais seulement
que javais le souhait, sans raison aucune, dapprendre le hindî. En effet,
rien ne me prédisposait à mintéresser autant à cet immense pays.
Je me suis impliqué dans ma nouvelle passion en lisant beaucoup douvrages sur
lInde, en étudiant le hindî et le tamoul et en apportant ma participation dans le
milieu associatif local afin de promouvoir et de mieux faire connaître les différentes
cultures de lInde. En effet, beaucoup de personnes, du moins par le passé,
résumaient le sous-continent indien aux Tamouls. Cette expérience a été un
demi-succès car il y avait un manque profond dintérêt des
"Malabars" pour de qui nétait pas religieux ou tamoul. La communauté
tamoule de lîle Maurice ma accueilli à bras ouverts, contrairement à celle
de la Réunion.
- IR : Quelle a été votre méthode de travail ?
DV : Lors de mon premier voyage en Inde et
au Népal, jai tenu un carnet de route dans lequel jai noté toutes mes
observations, mes impressions, mon expérience et jai pris beaucoup de photos. Lors
des voyages suivants, les nombreux problèmes rencontrés et mésaventures vécues ont
servi à lécriture de mon livre. Mon épouse, qui est indienne, ma beaucoup
aidé dans la compréhension des Indiens.
- IR : Quels sont, à grands traits, les enseignements que
vous tirez de votre connaissance de l'Inde et que vous exprimez dans votre ouvrage ?
DV : La vision que lon a de
lInde se résume, à lextérieur, à limmense pauvreté, aux
mahârâjas, la tolérance
Il y a un monde entre la perception du touriste et celui
qui vit parmi les Indiens. Dans le deuxième cas, on découvre une réalité moins
réjouissante : corruption, racisme, amour immodéré pour largent, injustice et
jen passe. La lecture de mon livre a fait et fera bondir beaucoup de personnes, mais
quimporte. Il faut aussi avoir le courage de voir les côtés négatifs. Mon épouse
ma permis vraiment de découvrir la vie et la mentalité des Indiens. Il
nempêche que mon intérêt pour lInde ne sest jamais démenti. Et
malgré tout, jaime ce pays.
- IR : Comment qualifieriez-vous ou décririez-vous les
rapports (historiques, humains, culturels...) entre la Réunion et l'Inde ?
DV : Il ne fait aucun doute que
linfluence de lInde à la Réunion est très forte. Elle a peut-être été
minorée ou éclipsée, pour diverses raisons, par le passé, mais cela a changé. La
cuisine, certains mots du créole, larchitecture, la mentalité sont là pour
rappeler que les liens entre lInde et la Réunion sont très étroits.
Linfluence de la civilisation indienne est, pour moi, la plus importante parmi
toutes celles qui ont marqué la culture réunionnaise.
- IR : Quel est votre point de vue sur les cultures
indiennes de la Réunion telles qu'elles existent et se manifestent actuellement ?
DV : Personnellement, le battage
médiatique qui existe autour de la "communauté tamoule" me gêne. Le fait
dutiliser le mot "communauté" apporte la division. Jai toujours
employé le mot "malabar" sans aucun sens péjoratif. On ne parle pas de
"communauté bretonne" pour les Réunionnais dont les ancêtres venaient de
Bretagne !
Jestime légitime ce retour aux sources, mais linfluence politique et
religieuse est trop importante. Culturellement, je parle de secte culturelle car, de par
mon expérience associative, jai pu constater quil faut se couler dans le
moule, ce que jai toujours refusé.
Un exemple concret : la célébration en grandes pompes du Dîpavalî. En quelques
années, cette fête est passée, avec la connivence des médias et des politiciens, du
néant, ou presque, à une cérémonie qui na rien à voir avec ce qui se passe en
Inde. De plus, cette fête religieuse est beaucoup célébrée dans le nord de lInde
et peu par les Tamouls. Quid des Goujourâti et autres. Le Dîpavalî, dans son contexte
indien, est pourtant une fête merveilleuse qui rappelle un peu notre Noël.
A la Réunion, beaucoup sont devenus plus royalistes que le roi, à savoir plus indiens
que les Indiens. Retourner aux sources ou s'intéresser à une autre culture
nimplique pas le reniement de soi.
- IR : Quel avenir leur voyez-vous ?
DV : Il va sans dire que la culture
indienne, et surtout tamoule, prendra de plus en plus de place à la Réunion. Si cela se
fait au détriment des autres et de la culture créole, ce serait forcément dommageable.
- IR : Avez-vous d'autres projets personnels relatifs à
l'Inde ou aux cultures indiennes (... de la Réunion ou d'ailleurs) ?
DV : Des projets, certainement. Développer Terres
dAsie et peut-être créer un site sur lInde. Par ailleurs, jai
écrit plusieurs albums illustrés pour enfants ayant pour thème lInde. Le plus
difficile est de trouver un éditeur traditionnel car lédition numérique ne se
prête pas aux images à cause du temps de téléchargement. Enfin, jai
lintention dapprofondir mes recherches sur lorigine des mots du créole
réunionnais dorigine indienne ou indo-portugaise. A ce sujet, jen ai
présenté une bonne centaine dans mon ouvrage.
- IR : Pourquoi ce choix de lédition numérique ?
DV : Simplement parce quavec lavènement de lInternet, chacun
a plus de chance de se faire entendre alors que les maisons dédition classiques ont
une politique trop restrictive. Le revers de la médaille, une promotion plus discrète et
pour se procurer le livre, il faut passer par le biais de lInternet ou le faire
commander par son libraire.
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