Usha Seejarim,

"I am fascinated by the things that we do everyday"

"Je suis fascinée par les choses que nous faisons quotidiennement"

    
  
   La création artistique contemporaine prend des chemins parfois inattendus et surprenants, explorant les possibilités de nouvelles formes, de nouveaux supports. La jeune artiste sud-africaine, d'origine indienne, Usha Seejarim, nous entrouvre ici la porte de trois de ses oeuvres et répond en cette occasion à quelques questions.

Interview      Two Rooms and a Kitchen

50 Stories      The Opposite of Illustration


Interview

  • IR : Usha Seejarim, could you first introduce yourself to our visitors ?
          Usha Seejarim, pourriez-vous d'abord vous présenter à nos visiteurs ?

    US : I am a 29 year old South African woman of Indian descent, practicing artist, art educator, wife, owner of two dogs, and …….

    J'ai 29 ans, je suis sud-africaine d'origine indienne, artiste, formatrice en art, épouse, propriétaire de deux chiens et..........

  • IR : How did you become an artist ? Did you follow artistic studies ?
          Comment êtes-vous devenue une artiste ? Avez-vous fait des études artistiques ?


    US : I know that I was very young when I knew that this was something I enjoyed. As a child, I don’t think that I ever thought that I would be an “artist”. In my community and family, it is also not something that is taken seriously enough to pursue as a career. Upon reaching standard eight (grade 10), my school decided not to offer art as a matric subject that year, I then enrolled and studied part time at FUBA (Federated Union of Black Artists) in Newtown Johannesburg, which had a profound influence on me. Later I completed an undergrad Diploma and a B-Tech Degree in Fine Art at Wits Technicon in Johannesburg. Currently I am completing a Masters Degree in Fine Art at
    Wits University.

       Je sais que j'étais très jeune quand j'ai su que c'était une chose que j'aimais. Lorsque j'étais enfant, je ne crois pas avoir jamais pensé que je deviendrais une "artiste". Dans ma communauté et dans ma famille, ce n'est pas non plus quelque chose que l'on considère comme assez sérieux pour en faire un métier. Lorsque j'ai atteint la classe de Seconde, mon école a décidé de ne pas proposer l'art comme matière d'examen cette année-là, je me suis alors inscrite à la FUBA (Union Fédérée des Artistes Noirs) à Newtown Johannesburg, où j'ai suivi des cours à temps partiel. Cela a eu une profonde influence sur moi. J'ai ensuite obtenu les équivalents d'un DEUG et d'une licence en Beaux-Arts au Wits echnicon de Johannesburg. Actuellement, je termine une Maîtrise de Beaux-Arts à la Wits University.

  • IR : Photo, video, collected objects…: could you tell us more about your art, first on a technical side ?
            La photo, la vidéo, les objets de récupération... : pourriez-vous nous en dire davantage sur votre art, et d'abord sur un plan technique ?


    US : Somebody recently asked me what medium do I work in (a common question to ask an artist). For me this is a really difficult question, because I cannot say that I am a painter, or a sculptor. Although I use photography, I am not a photographer and I make videos, but am not necessarily a video artist either. So I responded by saying that I use a variety of mediums and each work is quite unique where the issue or concept of the work dictates its medium. I thus work in a variety of mediums, each demanding its own technical complexities. For the video’s, I work on Final Cut Pro, I use a manual SLR camera, as well as digital, I can weld, and usually learn new techniques by experimenting !

       Quelqu'un me demandait récemment quelle forme d'art je pratique (une question banale pour un artiste). Pour moi, c'est vraiment une question difficile, parce que je ne peux pas dire que je suis peintre ou sculpteur. Bien que j'utilise la photographie, je ne suis pas photographe, et je réalise des films vidéo sans être forcément vidéaste non plus. Aussi j'ai répondu à cette personne que je pratique diverses formes artistiques, et chaque oeuvre est vraiment unique : le thème ou le concept de l'oeuvre impose la forme. Ainsi j'utilise divers modes d'expression, chacun exigeant ses propres complexités techniques. Pour les films vidéo, je travaille sur Final Cut Pro ; j'utilise une caméra manuelle SLR aussi bien que le digital, je fais du collage and apprend généralement de nouvelles techniques par la pratique !

  • IR : And could you tell us about your sources of inspirations ? About the meaning of what you create ?
          Et pourriez-vous nous parler de vos sources d'inspiration ? Du sens de ce que vous créez ?


    US : I am influenced by my environment, both physically, and culturally. It is something that I cannot ignore. I am also highly charged after seeing a good exhibition, meeting people with amazing minds, reading an inspiring book, visiting a bookshop or library, or even seeing a good movie. I am fascinated by the things that we do everyday, notions of time, our perceptions of life and reality and the things that we often take for granted. These thoughts filter into my work to create some kind of meaning.

       Je suis influencée par ce qui m'entoure, aussi bien matériellement que culturellement. C'est quelque chose à quoi je ne peux me soustraire. Une bonne exposition, la rencontre d'esprits étonnants, la lecture d'un livre inspirant, un passage à la librairie ou à la bibliothèque, ou même un bon film peuvent m'emplir l'esprit. Je suis fascinée par les choses que nous faisons quotidiennement, nos représentations du temps, la façon dont nous percevons la vie, la réalité, les choses que nous tenons souvent pour définitives. Ces pensées s'infiltrent dans mes travaux pour produire une quelconque signification.

  • IR : What is time for you ? Many Occidental artists in the past used to consider that art is a way to overcome time in a way : is it your way of thinking too ?
         Qu'est-ce que le temps pour vous ? Bien des artistes occidentaux dans le passé ont considéré que l'art est un moyen de triompher du temps, d'une certaine manière : est-ce également votre façon de voir la chose ?


    US : The elusive nature of time, simply blows my mind. How one minute can seem like forever, how years can just fly past, how one moment (which is scientifically one sixteenth of a second – I recently learnt) can be so profound. In Hindu mythology the waking part of Lord Brahma’s single day is approximately 4 000 000 000 years which he spends thinking, and thus creating the entire world and the equally long time that he sleeps dissolves his creation only to create a new world the next day.

       I do believe that art has the ability to transcend time and that contemporary meaning can always be found in less contemporary art.


       C'est simplement la nature insaisissable du temps qui inspire mon esprit. La manière dont une minute peut paraître l'éternité, dont les années peuvent fuir, dont un seul moment (scientifiquement : un soixantième de seconde, ai-je appris récemment) peut être tellement profond. Dans la mythologie hindoue, la période quotidienne au cours de laquelle le Seigneur Brahma est éveillé dure environ 4 000 000 000 d'années, qu'il passe à penser, et donc à créer le monde, et la même durée pendant laquelle il dort dissout sa création, seulement dans le but de créer un nouveau monde le jour suivant.
       Je suis convaincue que l'art a la capacité de transcender le temps, et qu'une signification contemporaine peut se trouver dans un art moins contemporain.


  • IR : Being a South African of Indian descent, do you feel that Indian culture has any influence on your creations ? In which ways ?
          En tant que Sud-Africaine d'origine indienne, avez-vous la sensation que la culture indienne exerce une quelconque influence sur vos créations ? De quelle manière ?


    US : Apartheid’s “Group Areas Act” forced all racial groups in
    South Africa to live separately. As a result these separate communities are very tightly knit, as is the case with Indian people in South Africa. Thus I have grown up surrounded by strong Indian culture (dress, language, food, music, movies, religion, ritual, etc). So it is inevitable that it would have some influence on my work. There are visual and aesthetic influences, like the use of kum kum powder and turmeric. There is also strong influence of ideology like the recurring reference to karma theories and reincarnation in my work.

       La loi d'apartheid sur les zones dévolues aux groupes ethniques obligeait toutes les races sud-africaine à vivre séparément. Une des conséquences est que ces communautés séparées sont très soudées, comme c'est le cas pour les Sud-Africains d'origine indienne. Ainsi j'ai grandi environnée d'une culture indienne forte (vêtements, langue, alimentation, musique, films, religion, rituel, etc.). Il est donc inévitable que cela ait une influence sur mon oeuvre. Il y a des influences visuelles et esthétiques, comme par exemple l'utilisation de la poudre de koungon (voir lexique) ou le curcuma. Il y a aussi une forte influence idéologique, comme par exemple la référence récurrente dans mon oeuvre aux théories du karma et à la réincarnation.

  • IR : You traveled once to India : was it a kind of pilgrimage for you ? Did this experience nourish your creations ?
           Vous avez effectué un voyage en Inde : était-ce pour vous une sorte de pèlerinage ? Cette expérience a-t-elle nourri vos créations ?


    US : Actually I have been to India four times now. The experience of India is like a sensory explosion for me. Everything seems to be in extremities : poverty, colour, entrepreneurship, spice, culture, hostility, humility and more. After my first visit to India, I became very aware of the prominence of my South African identity. I don’t really think that it was a pilgrimage, and oh yes, definitely a big dose of creative nourishment.

       En réalité cela fait maintenant quatre fois que je me suis rendue en Inde. L'expérience de l'Inde est comme une explosion sensorielle pour moi. Tout semble porté à ses limites extrêmes : la pauvreté, la couleur, l'esprit d'entreprise, les épices, la culture, l'hostilité, l'humilité, et bien plus encore... Après ma première visite en Inde, j'ai pris très nettement conscience de la prééminence de mon identité sud-africaine. Je ne crois pas vraiment que cela ait été un pèlerinage, mais par contre, ô combien, une énorme dose de nourriture créative.


  • IR : Now let us forget about art ; could you tell us about the life of the Indian community in South Africa : are Indian cultural, religious, traditional…roots still very perceptible in daily life ?
         Oublions l'art à présent ; pourriez-vous nous parler de la vie de la communauté indienne en Afrique du Sud : les racines indiennes sont-elles toujours très perceptibles dans la vie quotidienne, sur les plans de la culture, de la religion, des traditions... ?


    US : As I mentioned earlier, in place like Lenasia (where I live), Indian culture as such is very visible. There is a strong commitment to holding on to culture, through observance of religious festivals, vernacular schools of Hindi, Gujerati, Tamil, and Islamic schools. There are a number of mosques and temples, and a woman in a sari is a common sight. However in urban suburbs that are more racially mixed, this is not the case.

       Comme je l'ai indiqué précédemment, dans des endroits tels que Lenasia (où je vis), la culture indienne en tant que telle est très visible. On se sent fortement obligé de s'impliquer dans la culture, à travers la participation aux fêtes religieuses, les cours de langues vernaculaires :  hindi, gujarati, tamoul, ou encore les cours de religion islamique. Il y a de nombreuses mosquées et de nombreux temples, et il est fréquent de voir une femme en sari. Cependant, dans les banlieues urbaines, où la population est plus mélangée - sur le plan racial - la situation est différente.


  • IR : What is your opinion about social and political situation in South Africa ? How Indian, Black and White people live together nowadays ?
          Quelle est votre opinion sur la situation sociale et politique en Afrique du Sud ? Comment les Indiens, les Noirs et les Blancs vivent-ils ensemble de nos jours ?


    US : My personal views about South Africa are very positive. I think that South African’s in general are very aware of our history and our current state of transition. With  processes  like the Truth and Reconciliation Commission we are coming to terms with our past, and instead of superficial denials of racism, we have grabbed the bull by the horns and really assessed our positions. As a result, I believe that there is a real move towards healing, forgiveness, and positive growth. And for those South African’s who are emigrating to places like Australia, Canada and the USA, it is clear where their loyalties lie, or rather don’t lie. It is very sad that after South Africa has given us so much, some seek greener pastures elsewhere (as opposed to the spirit of giving back).

       Mon point de vue personnel sur l'Afrique du Sud est très positif. Je pense que les Sud-Africains en général sont très au fait de notre histoire et de la situation de transition dans laquelle nous nous trouvons. Avec des initiatives comme la Commission Vérité et Réconciliation, nous réglons nos comptes avec notre passé et, au lieu de nier superficiellement le racisme, nous avons pris le taureau par les cornes et avons réellement pris la mesure de notre situation. Le résultat c'est que, j'en suis convaincue, nous allons de l'avant vers la guérison de nos blessures, le pardon et un développement positif. Quant à ces Sud-Africains qui émigrent vers des pays comme l'Australie, le Canada et les USA, on voit clairement à quoi ils sont attachés, ou plutôt à quoi ils ne le sont pas. Il est très malheureux de voir qu'après que l'Afrique du Sud nous a tant donné, quelques uns cherchent de plus verts pâturages ailleurs (au lieu de vouloir rendre de ce qui leur a été donné).


  • IR : Do you know anything about Reunion Island and about the Indian community living there ? Did you ever think of exhibiting there ?
          Avez-vous des connaissances sur la Réunion et sur la communauté indienne qui y vit ? Avez-vous pensé à exposer dans l'île ?


    US : I have recently met six artists from Reunion Island on the Latitudes 2004 exhibition in Paris. As result, I now have many friends in Reunion Island, who have all invited me to visit. If the opportunity to exhibit arises, I would love to show my work there. I do not know much about the Indian community there.

       J'ai récemment rencontré six artistes de la Réunion, lors de l'exposition Latitudes 2004 à Paris. Aussi j'ai maintenant beaucoup d'amis à la Réunion, qui m'ont tous invitée à venir dans l'île. Si l'occasion de présenter une exposition se présentait, j'aimerais beaucoup y présenter mes oeuvres. Je sais très peu de choses sur la communauté indienne de la Réunion.

  * Remerciements à Linda Kotzé pour sa contribution à la traduction de cet entretien.

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The Opposite of Illustration

  

   This was the very first video work that I made. It documents the daily journey that I travelled at that time, (and still do) between Lenasia and Johannesburg. The video is shot, through a shaky rear-view mirror, capturing the movement of the car lights behind. The camera that I used is very old, and does not have “steady-shot”, as a result, there is a great distortion as the camera attempts to focus the moving image. The video played to tabla music, is thus a visual and audial play of light, sound, colour, movement and rhythm.
   My attraction to video is linked to the moving image and its  convincing transference and representation of that “real”

  

Montage animé

  
experience. At the same time, I am also fascinated (specifically in a video projection) by the illusionary nature of video. In the case of The Opposite of Illustration, the whole image is quite abstract. If fact, many viewers don’t realise what it is, and are pleasantly surprised when they find out.
  
   Ce fut ma toute première oeuvre en vidéo. C'est une vision documentaire du trajet que j'effectuais quotidiennement à cette époque (comme aujourd'hui) entre Lenasia et Johannesburg. La vidéo est tournée, à travers les secousses d'un rétroviseur, de manière à filmer le mouvement des phares des voitures de derrière. J'ai utilisé une très vieille caméra, sans stabilisateur d'image ; il en résulte une grande distortion, la caméra essayant de faire le point sur le sujet en mouvement. Les images étaient accompagnées d'une musique de tabla, donnant une création audio-visuelle associant lumière, son, couleur, mouvement et rythme.
   L'attrait qu'exerce sur moi la vidéo est lié à l'image en mouvement, à la représentation et au transfert convaincants qu'elle donne de l'expérience "réelle". En même temps, je suis aussi fascinée (précisément pour ce qui est de la projection vidéo) par la nature illusoire de la vidéo. Dans le cas de The Opposite of Illustration, l'image est totalement abstraite. En fait, de nombreux spectateurs ne se rendent pas compte de ce que c'est, et ont une agréable surprise quand ils trouvent de quoi il s'agit.

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