Tamm Ha Tamm,

... le son métis, entre Bretagne, Inde et Réunion

Interview de
Marie Bellec

    
  
   Si les Bretons ont été nombreux à venir participer à la colonisation de l'île Bourbon il y a déjà plusieurs siècles, c'est dans un tou autre étatd'esprit que Marie-Thérèse Bellec - elle aussi bretonne - est venue vivre et créer à la Réunion. Aux côtés de ses complices de Tamm Ha Tamm, elle pratique avec passion cette musique de fusion "celte-indo-océanique" qui a déjà donné un album très apprécié. Un des rêves de Marie Thérèse aujourd'hui : un voyage en Inde pour y faire entendre cette musique et y rencontrer ces lointains cousins indo-européens...

Interview          Ecouter Tamm Ha Tamm


Interview

  • IR : Marie-Thérèse Bellec, pourriez-vous d'abord vous présenter personnellement aux visiteurs du site "Indes réunionnaises" ?

    MTB :
    Il y a quelques années, j'ai été amenée à repenser mes choix de vie... entre autre mon rapport avec la MUSIQUE... Longtemps Professeur d'Education Musicale en Collèges et Lycées, j'ai décidé de quitter ce métier que j'adorais, pour prendre enfin le temps, de FAIRE DE LA MUSIQUE pour le plaisir... J'ai découvert La Réunion il y a douze ans, où je vis depuis : c'est ce pays de métissage qui m'a aussitôt subjuguée... Je suis originaire du centre Bretagne, pays où on parle le dialecte GALLO dont on retrouve de nombreux mots expressions et accents dans le créole de La Réunion.... On oublie qu'en Bretagne il y a deux langues ! mais nous appartenons à la même origine celtique... Ce sont ces racines qui me suivent jusqu'ici, et en particulier dans cette musique que nous conjuguons au pluriel. Je joue d'un instrument rare en Europe mais qui était très présent dans la région de Saint-Malo : la vielle à roue, instrument sacré du XIème siècle à St Jacques de Compostelle... La mienne est une copie conforme du XIVème siècle que j'ai fait électrifier et tropicaliser depuis peu... Mon répertoire qui allait de la musique traditionnelle bretonne... aux partitions médiévales ou baroques... s'est plus orientée vers les Musiques du Monde. Depuis que je vis ici je suis surtout influencée par les musiques indiennes et créoles qui ont modifié mon jeu, ce qu'on retrouve dans TAMM HA TAMM.

  • IR : Qu'est-ce que le groupe Tamm Ha Tamm ? Que signifie ce nom ? Quels sont les musiciens qui constituent ce groupe ?

    MTB : TAMM HA TAMM est une expression qui veut dire "peu à peu" en breton, "ti pas ti pas" ou "ti lamp ti lamp" en créole. TAMM HA TAMM a une consonnance qui est musicale et qui évoque la percussion africaine, la danse... Peu à peu, car de quatre musiciens à l'origine nous sommes passés à huit aujourd'hui : vielle à roue, sitar, guitare, sax, small-pipe, basse, percussions et jeux sonores. Ce groupe a évolué au fil de belles rencontres musicales et humaines...

  • IR : Quelles ont été l'idée fondatrice et l'histoire du groupe ?

    MTB : En 1997 ce sont des musiciens d'origine indienne qui, les premiers en découvrant ma vielle, m'ont proposé de faire l'essai de jouer ensemble sur une gamme indienne... sans rien de prémédité, la fusion était instantanée et étonnante... Essai concluant, le groupe est né ensuite avec des musiciens de La Réunion. INDEEREN le seul sitariste professionnel ici a joué durant trois années avec nous, ensuite de plus en plus sollicité et ayant créé son propre groupe il nous a quitté. Nous avons à présent un sitariste mauricien qui viendra nous rejoindre pour les grandes scènes... car cette couleur  indienne est devenue indiscociable de TAMM HA TAMM, fusion "celte-india-océanique"... Cette fusion est à l'image de La Réunion, de l'histoire de son peuplement, comme en est le reflet de notre premier CD "TAMM HA TAMM... sur la Route des Indes" . Ce qui ne devait être qu'un enregistrement de travail à la fin de la Résidence avec SYLVIN MARC sous l'égide du Pôle Régional des Musiques Actuelles, est donc devenu un album auto-produit, en vente partout... Ici distribué par DISCORAMA et par la COOP-BREIZH en Métropole. C'est un voyage intemporel qui évoque le parcours de la Compagnie des Indes de Bretagne jusqu'au Bengale avec en son coeur La Réunion. Je reçois des messages e-mail enthousiastes et même émouvants... à propos du CODE NOIR que j'ai écrit pour le 150ème anniversaire de l'Abolition de l'esclavage, sur une belle interprétation d'une page d'opéra baroque de Purcell (interprétation-pei rythmée au rouleur)... J'ai aussi eu la surprise d'apprendre qu'à l'IUFM de Lorient on le cite en exemple de fusion réussie aux futurs profs de Musique... Ca me fait plaisir autant que lorsque nous avons été classés dans les dix meilleurs CDs de la Réunion en 2002.... Il faudra faire au moins aussi bien pour le prochain album...


  • IR : Quel est l'objectif de Tamm Ha Tamm ?

    MTB : Nous pensons à ce deuxième album où il y aura plus de compos des musiciens, plus de ternaire rythmé maloya et aussi plus de chants. Chacun apporte son talent, ses racines culturelles que nous partageons. C'est cet échange qui fait cette fusion "celte-indo-océanique"... Depuis notre prestation d'avril 2002 au Théâtre de Champ-Fleuri en première partie de Hariprasad CHAURASIA nous connaissons mieux notre public encore plus nombreux... celui qui nous encourage depuis nos scènes du Palaxa et du Festival d'ART METIS. Nous avons fait une belle tournée en Bretagne fin 2002 où nous exportions la FETE DU 20 DECEMBRE, invités par la ville de GUINGAMP et le CENTRE CULTUREL BRETON, l'UNIVERSITE DE BRETAGNE OCCIDENTALE de BREST, QUIMPER. Depuis nous avons eu des expériences nouvelles intéressantes avec de la musique électronique... scènes du BATO FOU et du SECHOIR, qui nous ont beaucoup apporté.... une réflexion sur ces fusions, ce qu'il faut éviter surtout... et dans quel sens on peut aller !


  • IR : Y a-t-il un message particulier que le groupe cherche à transmettre à travers ses créations ?

    MTB : Non, pas vraiment... on va dire plutôt que le symbole du groupe figure sur notre pochette de CD : un KALOU en pierre de lave ou en granit où se mélangent les différentes épices de la route des Indes pour donner une pâte colorée et à la saveur chaque fois unique... En effet, chaque interprétation de notre musique est différente grâce à la grande place laissée à l'improvisation.... C'est une musique ouverte où chacun trouve son espace de liberté, d'expression, et même de spiritualité..... TAMM HA TAMM est entré dans le paysage culturel réunionnais je crois...

  • IR : Personnellement, quelle est votre vision de la musique indienne ? Quelle connaissance en avez-vous ? Quels sont les artistes indiens que vous écoutez ?

    MTB : Je crains de ne savoir bien répondre à cette question... car je n'ai qu'une vision très fragmentée, trop lointaine ou fugitive de cette immense Musique, je devrais dire de ces multiples musiques... je vais donc citer ce que j'aime le plus. D'abord je vais rendre hommage à tous ces MUSICIENS PROFESSIONNELS  POPULAIRES qui sont de grands Artistes avec des instruments souvent simples... quels talents !!! Je me sens très proche de ces musiques traditionnelles de par mes racines. Je les écoute souvent. La musique populaire est aussi une musique savante, on l'oublie parfois !!! Je me suis initiée à la musique classique indienne par les recherches de DANIELOU et le triple album d'explications et d'exemples musicaux... ainsi que par mes rencontres avec S. TARALAGHATTI (vina) que j'invitais avec son trio chaque année dans mes classes à Brunoy. J'aime l'univers magique de H. CHAURASIA et ses fusions, la voix envoûtante de Ravi PRASAD, le premier MUKTA, les fusions électro anglaises...  Donc ma vision de la musique indienne est celle que j'ai trouvée sur ma  route notamment à La Réunion. Je ne suis jamais allée en Inde, c'est un de  mes rêves... pour le contact avec les gens et vivre un vrai partage musical là-bas... pour moi ce serait extraordinaire d'y accompagner des Réunionnais de là-bas.... C'est ma bouteille à la mer... l'appel est lancé !


  • IR : Musiques celtique et indienne semblent appartenir à deux univers que rien ne lie : comment techniquement et artistiquement le rapprochement a-t-il pu se faire ?

    MTB : "Deux univers que rien ne lie" ? Moi je suis convaincue du contraire... c'est déjà oublier qu'il y a plusieurs millénaires d'ici les Celtes étaient indo-européens... Peuples d'artistes celtes comme indiens... Justement, je suis frappée par les concordances entre les musiques indiennes et bretonnes : leur grande spiritualité, l'usage des instruments à bourdons, à cordes sympathiques (la vielle à roue, le sitar), de certaines gammes orientales, le placement de la voix des chanteurs, le rapport musique et danse et certaines rythmiques... Regardez aussi dans la cuisine les galettes, le petit-lait !!! et les broderies des costumes traditionnels, ceux de Bretagne peints, brodés ou perlés n'ont-ils pas été largement influencés par la Route des Indes... ?


  • IR : Quel regard portez-vous sur la scène musicale réunionnaise : vous semble-t-elle avoir la santé, la vitalité, l'inventivité, la qualité souhaitables ? Quels sont les artistes dont vous vous sentez proche ?

    MTB : Il y a dix ans lorsque je suis arrivée à LA REUNION j'ai été fascinée par la richesse de musiciens locaux comme GRAMOUN LELE... par la complémentarité et la variété des percussions d'ici (rouleur, cayamb, pikeur, tambours malbars)... Par l'authenticité et la dimension musicale d'un DANYEL WARO qui n'arrête pas d'évoluer de plus en plus loin, de plus en plus haut vers les sphères étoilées des plus grands... Ici, je n'en vois pas d'autres dont la progression soit à ce niveau, en plus c'est chaque fois de l'émotion à l'état pur... J'AIME ! Quelqu'un aussi dont j'apprécie vraiment la voix et le talent autant que la personnalité, c'est DAVY SICARD... Parler de la scène réunionnaise.... laissez moi vous dire seulement que je sais, après avoir longtemps parlé musique, qu'il est bien plus difficile d'en faire, croyez moi... c'est tout !


  • IR : Quelle est votre vision de la culture indienne au-delà de sa dimension musicale? Que pensez-vous des cultures indiennes à la Réunion ?

    MTB : C'est sur le plan de l'égalité sociale que je ne comprends pas comment le système des castes perdure encore à l'ère de l'informatique ou des productions cinématographiques titanesques en Inde... En fait ce sont ces contradictions et ces démesures qui m'interrogent... Il faut sans doute être allé sur place pour comprendre. C'est surtout l'Inde des religions que je connaissais seulement dans les livres avant mon arrivée à La Réunion ; époque du grand renouveau des traditions cultuelles et culturelles de la communauté indienne avec l'organisation de grandes fêtes populaires... concerts, spectacles de danses, défilés, marches sur le feu, cérémonies aux temples... Ce désir d'associer tous ceux qui le veulent aux célébrations quelles que soient leurs croyances, c'est une grande tolérance. Reste la question du sacrifice d'animaux publiquement.... cependant j'ai aussi partagé le repas, c'est cette convivialité qui m'a touchée... mais heureusement que je n'avais pas regardé le cabris dans les yeux avant !


  • IR : Peut-on savoir quels sont les projets de Tamm Ha Tamm pur un proche ou plus lointain avenir ?

    MTB : TAMM HA TAMM est en sommeil depuis deux mois, alors que nous avions un calendrier de programmations rempli, suite aux scènes du BATO FOU et du SECHOIR avec HADOUK TRIO... Je me suis gravement blessée à la main... chirurgie et rééducation à présent ; il me faudra donc attendre encore quelques mois avant de pouvoir, j'espère, revenir à la musique. C'est un moment de réflexion obligée et de création aussi... Tous nos projets sont ajournés pour l'instant.... on en reparlera plus tard !


Le groupe Tamm Ha Tamm
La Référence de l'album : "TAMM HA TAMM ... sur la ROUTE DES INDES" Breizh 2001 Coop-Breizh Contact : e-mail [email protected] tél : 06 92 84 53 38


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