Lynda Savaranin
Géographe, spécialiste des lieux de culte
hindous à la Réunion
    
  
Lynda Savaranin, étudiante à l'Université de la Réunion et native de Saint-André, a obtenu un DEA pour lequel elle a fourni un travail sur le thème"Inquisition comparative des espaces religieux de cultes tamouls de Sainte-Suzanne, Bras-Panon et Saint-Benoît". Elle prépare actuellement un doctorat de géographie : "Les espaces religieux de cultes tamouls à la Réunion". Elle peut être ainsi considérée comme une des meilleures spécialistes en la matière.

Interview

  • IR : Dans le cadre des manifestations culturelles entourant le Dipavali 2001, vous avez donné une conférence sur le thème "les espaces religieux de cultes tamouls à la Réunion". Le public a ainsi pu vous découvrir, mais pourriez-vous à présent vous présenter aux visiteurs du site Indes réunionnaises ?

    LS : Outre mes activités universitaires, j’ai été amenée à connaître diverses expériences professionnelles. Après mon Bac, j’ai effectué des piges comme correspondante de l’Est pour l’agence de Saint-Benoît du Journal de l’Ile de la Réunion. Une expérience qui a contribué à me confronter au monde professionnel, économique, financier, sportif et social. J’ai pu ainsi, par mes articles, valoriser mon île. À la fermeture de l’agence, j’ai repris mes études. Sondage au téléphone, surveillante de concours administratif, maîtresse d’internat, fleuriste, animatrice de centre aéré, tutrice culturelle, coordonnatrice du village de la recherche lors de la semaine de la science… autant de petits boulots saisonniers qui m’ont permis d’aider ma mère et d’acquérir des expériences et une maturité.
       Par ailleurs, je me suis rendu compte que les droits des étudiants étaient bafoués et que des informations primordiales et indispensables à la réussite de leurs études et à leur épanouissement étaient souvent oubliées. Je me suis présentée à l’élection des  représentants des doctorants. M. Laurent Hoarau, doctorant en Histoire et moi-même au sein d’un conseil composé de collèges représentatifs du monde universitaire, avons participé à la mise en place de la première école doctorale de l’Université de La Réunion. Le chantier des travaux contribuant à rendre cette école plus performante n’est qu’à ses prémices. Notre mandat, de courte durée dans cette nouvelle instance, s’attèle à la mise en place de projets à court terme et à privilégier le côté juridique, garant d’une école qui s’inscrira dans la pérennité.
       L’Université doit, outre son instruction pédagogique et intellectuelle, apporter à l’étudiant des perspectives sportives, culturelles, humaines… Les étudiants ont montré leur attachement à la mise en place de représentants au sein du CEVU, en décembre dernier. Au vu de leur confiance, j’espère avec l’aide des
    membres de la liste d'"Etudiants 2000" , notamment M. Fabrice Léger, œuvrer à la valorisation, à la démocratisation et à une plus grande ouverture des étudiants aux activités culturelles et para-universitaires.
       Depuis deux ans, j’essaie de me familiariser avec le monde financier et bancaire. Élue administratrice de la Société Locale d’Epargne (SLE) de la Caisse d’Epargne, j’essaie de défendre et d’informer au mieux les sociétaires qui ont fait confiance à cette société bancaire.
       Malheureusement, ces actions bénévoles ne sont pas ponctuelles pour certaines et les projets s’échelonnent sur une trop longue durée à mon goût et prennent du temps pour aboutir.

  • IR : Qu’est-ce qui a déterminé le choix du thème de vos travaux de recherches ?

    LS : Contre toute attente ce thème n’a pas été l’aboutissement d’une intense réflexion mais plutôt le fruit du hasard. Étant fière de ma commune natale Saint-André, je souhaitai ardemment lors de ma maîtrise traiter d’un sujet relatif à ma ville. La trame urbaine, la mise en place du centre-ville, le réseau routier, le zonage agricole… autant de thèmes qui avaient été travaillés par mes prédécesseurs. Mon département souhaitant élargir le domaine de la géographie humaine, mon directeur de mémoire, me conseilla d’étudier les espaces religieux catholiques, musulmans, tamouls, et protestants.
       L’étude étant sanctionnée au bout d’un an par un diplôme et manquant de temps, je me suis cantonnée à l’étude des espaces tamouls. Appartenant à la communauté tamoule, ayant un grand-père, André Savaranin, ancien président du temple Siva-Soupramanien de Saint-André, prêtre et cuisinier, les portes des temples tamouls et des maisons me furent grandes ouvertes Ayant moi-même travaillé comme pigiste, j’avais tissé un réseau de relations important qui m’a facilité la tâche.
       Le Dipavali 2001 m’a offert le cadre de ma première conférence par l’intermédiaire de M. Marcel Moutoucomorapoullé, homme de Lettres et d’Histoire, fervent passionné et de M. Bruno Gangnant de la mairie de Saint-André. Cette toute première conférence m’a permis de soumettre au grand public un certain nombre d’hypothèses qui sont actuellement en cours de vérification avec des études de cas de temples sur le terrain.
       Mais elle a été surtout l’opportunité de rendre hommage à mon grand-père (maternel) André Savaranin qui m’a élevée dans la culture tamoule et dont je suis fière aujourd’hui de contribuer au rayonnement. Pour moi, continuer à travailler dans ce domaine est une sorte de réincarnation de son travail pour la communauté. Transmettre et permettre la perpétuation d’un patrimoine grâce à mon travail d’écriture, même s’il n’est pas exhaustif, renforce mon sentiment d’appartenance à la communauté de mes ancêtres, même si j’ai grandi dans une société créole fortement marquée par les influences françaises et européennes.

  • IR : Comment, dans les grandes lignes, se sont déroulées ces recherches ?

    LS : Les sources bibliographiques sont rares à la Réunion et les lieux de recherches sont vite épuisés. Médiathèques, bibliothèques publiques, universitaires et privées, fonds documentaires, archives départementales et Internet sont des lieux où les ouvrages en la matière sont rares. En effet, jusqu’à présent les temples ont été étudiés sous un angle anthropologique, littéraire (auteurs français et anglais), historique mais très peu géographiquement. Des géographes comme Messieurs Brunet, Defos du Rau, Lefèvre, Jauze, Fontaine, Singaravelou, Claval…, ont abordé parfois sommairement le thème ou un des éléments entrant dans l’étude de l’implantation des temples.
       D’autres disciplines avec M. Benoist, M. Barat, Mme. Callandre, M. Cherubini, M. Danielou, M. Eve, M. Fuma, M. Lacpatia, Mme. Labache, Mme. Lavaux, Mme. Marimoutou, M. Santa Govindin, M. Vaxelaire, … ont vu la naissance d’écrits en la matière.
       Dans ma discipline, depuis quelques années, avec une volonté universitaire de s’orienter vers une géographie plus humaine que physique, des étudiants s’attèlent à étudier les temples hindous, les familles musulmanes, les églises, les fêtes religieuses… Pour l’instant, je suis, hélas la seule à préparer une thèse sur le sujet (
    après consultation de la liste des Thèses-DEA-Maîtrise du service publication de l’Université de la Réunion ). Dommage, alors qu’il y a tant à rechercher.
       Avant moi, Mlle Oumana, étudiante en maîtrise avait travaillé sur "les espaces festifs hindouistes à l’île Maurice". Dans les disciplines de l’ethnologie, l’anglais et la littérature, les étudiants ayant traité un sujet quelconque en rapport avec l’hindouisme, sont plus nombreux.
       Les recherches bibliographiques faites, restent les investigations de terrain qui demeurent le moyen le plus sûr de collecter des informations : une mine de renseignements aidée par ma perception personnelle et universitaire. Outre le terrain de l’île de la Réunion, j’ai pu me confronter à celui de l’île Maurice et du Sud de l’Inde. À la fois complexe et fascinant, l’imbroglio que forment ces temples m’a permis de mieux cerner le cas de mon île et de déduire une spécificité réunionnaise ancrée dans le localisme créole.
       Toutefois, la vision du chercheur est confrontée à un détournement d’informations de la part de mes interlocuteurs parfois sciemment et, d’autres fois, de façon non intentionnelle. Quelle doit - être ma position de chercheur face à cette situation ? Que doit être ma déontologie ?

  • IR : Y a t-il des faits saillants ou surprenants ou encore des anecdotes qui ont plus spécialement retenu votre attention au cours de vos enquêtes sur le terrain et dont vous gardez un souvenir particulier ?

    LS : L’étude des temples m’a permis de découvrir des histoires sympathiques et mystiques pour certaines, mais bien souvent différentes selon l’interlocuteur. Le dieu Ganesh sis devant le temple de Ravine-Creuse est le seul dieu de l’Est à être placé sur la route. L’histoire raconte que la pluie aurait façonné une grosse pierre semblable au dieu à la tête d’éléphant. D’autres interlocuteurs racontent que des engagés indiens avaient taillé ce rocher de plusieurs tonnes (on ne voit qu’une partie émergée de la statue) dans le champ dans lequel ils travaillaient et que par la suite voulant le déplacer pour le bord de mer à quelques kilomètres, ils le mirent sur une charrette. La roue de la charrette se cassa à son emplacement actuel. Sans moyens mécaniques, et malgré le nombre d’hommes, ils ne purent le déplacer. Quelques années plus tard, avec l’arrivée des tracto-pelles, les descendants de la canne à sucre ont voulu à nouveau le déplacer. Toutes les machines se cassèrent et les ouvriers eurent des accidents ou tombèrent malades.
       Dans le même temple, la déesse Pandialee de temps en temps verse des larmes selon les gramounes (
    personnes âgées ) du coin. En fait une source jaillit dans le temple principal et le sol est recouvert d’eau faisant penser aux fidèles que la déesse a pleuré.
       Telle déesse jetée en Inde et retrouvée des mois plus tard sur le rivage réunionnais, telle divinité invoquée pour éviter un naufrage, telles autres emmenées sur l’île pour la guérison d’un mari…, autant de faits mystérieux qui émaillent l’histoire de ces lieux de rite. Tous les temples ont leurs petites histoires personnelles réelles ou inventées et passées pour certaines dans le domaine du patrimoine écrit et oral
    .

  • IR : Pour évoquer davantage le fond de vos travaux et de votre réflexion, quels grands enseignements tirez-vous au sujet des espaces religieux tamouls à la Réunion ?

    LS : Un des plus grand enseignement a été que, sous ce qui est apparent résident des aspects non-visibles et sous ce que l’on connaît ou qui est dit, se cachent des non-dits. Les temples et leurs rites foisonnent de merveilles à la fois visibles et à la fois à peine perceptibles, voire cachées que ma condition de chercheuse me met dans l'obligation de décrypter. Il me faut développer des aptitudes d’écoute et de réflexion. Nos gramounes et les passionnés de l’hindouisme sont des mines d’or et des bibliothèques ambulantes dont la richesse est inestimable. Hélas parfois, je ne vois pas ces subtilités et fort heureusement les amis et anonymes m’aident à les comprendre.
       Il est problématique pour un chercheur d’établir des hypothèses alors que les données orales sont les seules archives dont on puisse disposer sur le sujet. Les archives écrites et les sources livresques sont rares et non identifiées pour certaines. Il est bien évident que l’on a sa perception du terrain, son cursus de géographe, ses références de lectures et les interviews qui permettent de faire la part des choses. Mais quel est le pourcentage de véracité, quel est le pourcentage de faux ?
       A partir des données et des informations récoltées peut-on déterminer une classification de ces espaces religieux ? Doit-on se cantonner aux temples où l’on fait les sacrifices ou à ceux qui sont végétaliens ? Doit-on réduire la classification à la seule équation un temple = un dieu ? Peut-on élaborer une typologie de temples ? Quels seraient alors les critères ?

       Autre enseignement : la tolérance et l’humilité.
       Je serai quelque peu virulente mais outre l’euphorie et la passion pour une étude, on en tire quelques leçons négatives. L’étude de l’hindouisme est tellement vaste que l’on ne peut en toute une vie tout connaître. Souvent, certains, sous prétexte qu’ils ont quelques connaissances, se vantent et humilient ceux qui veulent contribuer à la connaissance du patrimoine réunionnais.
       Le monde malbar est un milieu ouvert mais aussi fermé. Certaines personnes par mesquinerie et méchanceté ne veulent pas aider à la valorisation et à l’ouverture du patrimoine hindou réunionnais sous des prétextes fallacieux. Bon nombre d’étudiants travaillant sur le même sujet, ont dû abandonner. À mon sens, il est dommage de s’enfermer, dans un monde pourtant connu pour ses valeurs de partage et de générosité. Trop en divulguer risquerait d’entraîner la perte de certaines valeurs. Mais il faut trouver le juste milieu pour les générations à venir. La nécessité de disposer des repères et de pouvoir s’appuyer sur un patrimoine écrit est indispensable au progrès d’une société.

       Je profite de ce que l’on évoque l’aide de certaines personnes pour remercier tous les présidents de temple, prêtres, membres d’association, pénitents, fidèles, politiques, amis et anonymes qui m’ ont aidé dans ma tâche. Qu’ils trouvent dans la réalisation de mes travaux mes vifs remerciements et mon éternelle reconnaissance.

  • IR : Pouvez-vous expliquer et justifier le choix de ce mot "tamoul" plutôt que d’autres, tels que "malbar" ou "hindou" ?

    LS : Dès ma première étude, je me suis "heurtée" à l’étymologie des mots "malbar", "hindou", "indien" et "tamoul" qui suscitent de vives réactions en fonction de mes interlocuteurs. Certains Réunionnais sont susceptibles quant à l’emploi du terme, avec par exemple le mot "Malabar" ou "malbar" qui est associé à une idée péjorative de petits noirs. N’ayant pas suffisamment de références pour choisir le terme exact, j’ai pris la décision de tous les utiliser indifféremment, sans forme de discrimination. La Réunion est une île de démocratie et de tolérance et se bagarrer pour un mot ou pour un autre me paraît absurde. Revendiquer son appartenance à travers un mot est important mais cela ne doit pas constituer une obsession, car la revendication d’une identité représente une démarche plus globale.
       Dans mon mémoire de maîtrise (page 106-107-108) et celui de DEA (page 30-31), j’ai pu évoquer les définitions et les opinions de plusieurs auteurs tels que Roger Brunet, Paul Claval, Christian Barat, Firmin Lacpatia, Lucette Labache, Singaravelou, Jean Benoist, Florence Callandre, Daniel Vaxelaire, Catherine Lavaux… ainsi que des dictionnaires créoles ou encyclopédies traitant du sujet et des chercheurs, étudiants et fidèles de la communauté. Aidée de ces idées, j’ai toutefois opté pour l’emploi de tous les termes et je ne veux pas me positionner pour l’un ou pour l’autre.

  • IR : On fait souvent une différence importante, à la Réunion, entre grands temples urbains d’une part et d’autres part temples familiaux, temples populaires et autre "sapèls". Cette différenciation vous paraît-elle pertinente et justifiée ?

    LS : (voir exposé sur les espaces religieux de cultes tamouls, aux Editions Virtuelles Indes réunionnaises)

  • IR : Avez-vous eu l’occasion de vous interroger sur les similitudes et les différences qui peuvent exister – concernant le thème de vos recherches - entre le cas réunionnais et ce qui existe ailleurs, notamment en Inde, à Maurice, en Afrique du Sud, aux Antilles…? Si oui, quelles sont les grandes lignes de vos conclusions ?

    LS : Je n’ai pas suffisamment de recul, de lecture d’ouvrages et d’investigations de terrain pour démontrer que les espaces religieux de culte tamouls sont différents ou similaires avec une argumentation fondée sur des éléments solides. Toutefois de ma perception personnelle du terrain et de mes quelques lectures, je déduis qu’il existe des différences mais aussi des similitudes dont on ne peut faire abstraction comme les mêmes dieux, les mêmes rites… Elles sont toutefois empreintes d’un localisme différent pour chacune des îles et même pour le continent indien.
       La Réunion présente une spécificité locale, ancrée dans une société créole, d’île française et d’une zone ultra périphérique européenne. Même si la religion vient de l’Inde, elle a subi des mutations qui conduisent à la naissance à la Réunion d’une nouvelle donne. Même si, grâce à l’ouverture des frontières avec l’Inde aujourd’hui, les petits-fils de ces travailleurs du sucre (
    dont les ancêtres ont été pour certains engagés pour d’autres enrôlés )
    se rapprochent du culte de l’Inde par les livres, la culture, les swamis…, il n’en demeure pas moins que leurs gestes leurs pensées, leur vécu, traditionnels, se retrouvent cependant à un moment ou à un autre dans les nouveaux rites ou constructions. Souhaitons que la Réunion n’arrive pas à la situation de conflits extrême entre ceux qui sont pour la conservation du patrimoine et du culte traditionnel et ceux qui sont pour le modernisme.

  • IR : Avez-vous eu même l’occasion de vous interroger sur le regard porté par les autres Réunionnais sur les lieux de culte tamouls ? Si oui, qu’avez-vous constaté ?

    LS : Le regard porté par les autres communautés est complexe puisqu’il est à fois admiratif, respectueux et craintif. Généralement, les personnes des autres grandes communautés de la Réunion à savoir les Créoles, les Chinois, les Musulmans, les Métropolitains et les Comoriens sont admiratifs de l’architecture et du gigantisme des temples sculptés de divinités très colorées. Le foisonnement à l’intérieur et à l’extérieur prête à confusion puisque pour les autres, cette multiplicité pose le problème de la vénération de tous ces dieux. Selon leur perception, on ne voit qu’un seul visage principal dans les autres religions, et dans l’hindouisme plusieurs dieux. Les prie-t-on tous ou y en a-t-il un qui se détache ? s’interrogent les autres communautés. Les processions sont tolérées par les automobilistes qui patientent volontiers sans trop s’énerver. Les commerçants à proximité des espaces de rite, dont les parkings sont pris d’assaut par les fidèles, prennent leur mal en patience. Toutefois il existe des rites, à l’image des cérémonies dans les croisées de chemins ou dans les cimetières, qui sont perçues par les autres communautés comme des pratiques de sorcellerie et surtout liées à la communauté indienne. Alors que les autres groupes communautaires et des personnes en marge de telle ou telle religion, font eux aussi des rituels obscurs dans les mêmes lieux, on ne les pointe pas du doigt en premier.

      La culture occidentale n’admet pas le sacrifice. Couper la tête d’un animal semble barbare et le carême ( qui est aussi pratiqué dans les autres communautés par exemple chez les chrétiens pour Pâques ), une souffrance de l’âme absurde. Ces rituels sont mal perçus par les autres groupes communautaires.
       Néanmoins, certaines pratiques se rapprochent de celles des autres communautés. Par exemple chez les Chinois, on utilise de l’encens, des lampes à huile lors de la prière. Certaines pratiques se ressemblent comme la vénération des morts, le repas des défunts.

  • IR : Pour sortir du cadre de vos travaux, quelle est votre opinion sur la place actuelle et l’évolution possible de la religion hindoue (ou tamoule ?) à la Réunion ? Vous semble-t-elle vouée à se développer, se transformer, oublier ses aspects populaires, ou au contraire les valoriser ?

    LS : Incontestablement, l’hindouisme réunionnais a subi des mutations. Les paramètres économiques, sociaux, humains, historiques et financiers de l’île ont contribué à façonner une religion spécifique à l’île. Elle a évolué dans le temps, sans conteste. D’une part, au niveau architectural puisque d’une paillote, le lieu de culte s’est transformé en gigantesque temple de style dravidien.
       Les fêtes et leurs processions célébrées auparavant dans l’anonymat sont aujourd’hui fastueuses et libres. Les rites, les objets de culte, les tenues vestimentaires, les mets culinaires, la culture avec l’apprentissage de la langue, du chant et de la danse…, ont progressé pour certains au détriment du patrimoine historique et de certaines valeurs.
       L’ouverture des frontières, la facilité d’obtention des papiers administratifs, les nouvelles liaisons aériennes, de meilleurs contacts avec l’apprentissage de la langue, les échanges politiques et pédagogiques sont autant de facteurs qui influencent le processus de développement et de transformation de l’hindouisme réunionnais.
       S’appuyant sur ces différents facteurs, la religion malbar ne peut qu’évoluer vers un stade supérieur. Les fidèles ont une place prépondérante à prendre au sein de la société réunionnaise. La présence de la religion hindoue constitue un élément du métissage et participe à l’unité de l’île, à sa cohésion humaine et culturelle, à partir de ses apports originaux. À l’heure où des peuples se font la guerre à cause de la religion, l’hindouisme réunionnais au même titre que les autres religions de l’île est la preuve que la tolérance et l’entente humaine ne sont pas une utopie.
       La communauté doit s’émanciper en participant à l’émergence de nouvelles idées tout en conservant les acquis patrimoniaux. Les liens intracommunautaires se relâchent réduisant la tradition à des sentiments d’égocentrisme où le cloisonnement et la division gagnent du terrain.

  • IR : Selon vous, la culture de la communauté indo-réunionnaise existerait-elle sans sa dimension religieuse ? Hormis le fait religieux, qu’est ce qui caractérise selon vous cette culture indo-réunionnaise ? Et dans quelle mesure est-elle intégrée à la culture créole, ou à la culture réunionnaise tout court ?

    LS : La spiritualité est un facteur essentiel au rapprochement des hommes, à la connaissance de leur culture, de leur identité et de leurs rituels. Toutefois, elle n’en est qu’un élément. Car ce sont les racines de l’Inde, l’histoire, la culture et l’Homme lui-même qui contribuent au rayonnement et à l’existence de la communauté indo-réunionnaise. Cette dernière est riche d’éléments comme son histoire, sa littérature, ses monuments, sa civilisation, ses activités artistiques avec la danse, le chant et la musique classique, folklorique, l’art plastique et audiovisuel, le yoga, la méditation… qui sont autant d’interfaces contribuant au rayonnement de la culture indo-réunionnaise.
       Aux prémices de l’installation indienne en terre bourbonnaise, la communauté a été profondément déstructurée au contact des autres individus déracinés et de la société créole colonisée. Aujourd’hui, on peut parler de communauté indo-réunionnaise, de plus en plus affirmée, qui tente de se rassembler autour de ses lieux de culte et rituels et de sa culture, influencée à mon sens par des facteurs externes comme le métissage des populations, des cultures mêlées et l’ouverture de l’île vers la zone océan Indien et les continents.

  • IR : Pour terminer, avez-vous d’autres projets liés aux cultures indo-réunionnaises ?

    LS : Toutes mes nouvelles missions de représentante (EDI, SLE, USKIR et CEVU) dans lesquelles je me suis récemment engagée me laissent très peu de temps pour autre chose que la préparation de ma thèse. Il me tient à cœur pour l’instant d’apprendre et de me former pour défendre les dossiers et projets et surtout protéger et assurer le droit des actionnaires, étudiants et personnes civiles qui m’ont fait confiance. Ne bénéficiant pas d’aide financière, je dois effectuer des petits boulots pour financer mes études. Ce qui me laisse peu de temps.
       Toutefois, je participe et me tiens à disposition des personnes qui ont besoin de moi dans le cadre d’une exposition, d’un spectacle, de la préparation d’une conférence…

              Nota : Remerciement particulier pour M. Jean-Paul CIRET, professeur d’histoire géographie, mon correcteur.

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