Duo Saaj

"La dimension esthétique et émotionnelle de la musique hindoustanie captive l’âme"

      
  

   Voici maintenant de longues années que le Duo Saaj réjouit le public de sa musique soignée et envoûtante, sitar et tablas, avec une passion intacte et un enthousiasme sans cesse renouvelé. Sylvie Hiély et Laurent Gherzi nous font ici partager cet amour de la musique hindoustanie à travers cette interview exclusive et un extrait musical intitulé Durga.
 
 (Photos : Brigitte Bourlon)


Interview  -  Ecouter le Duo Saaj  -  Site Internet


Interview

  • IR : Sylvie Hiély et Laurent Gherzi, pouvez-vous vous présenter personnellement et, surtout, présenter le Duo Saaj, que vous avez formé il y a déjà vingt ans ?

Saaj : Nous nous sommes rencontrés en 1986. Sylvie Hiély avait commencé  le sitar après des études de piano et de guitare et revenait d’un séjour de deux ans en Inde avec une bourse d’études franco-indienne. Laurent Gherzi était déjà passionné par les instruments de musique du monde.  Etudiant aux Beaux Arts,  il présentait ses fabrications d’instrument à ses professeurs ainsi qu’aux membres du jury lors du  passage de son diplôme. A cette époque il n’y avait pratiquement aucun document concernant le sitar et les tablas, si ce n’est une pochette de disque de Ravi Shankar ! Maintenant avec Internet cette lacune est comblée. Donc, très intrigué par ces mystères instrumentaux,  Laurent Gherzi  rencontre  Sylvie Hiély  qui enseignait déjà le sitar à Marseille. Tous les deux passionnés de musique traditionnelle ils décident  de se rendre ensemble en Inde, au début par leurs propres moyens et par la suite  avec une bourse franco-indienne de deux ans  en présentant leur musique devant un jury franco-indien à Paris. Ils obtiennent aussi la bourse Romain Rolland pour six mois. Ils donnent leur premier concert en Inde à New-Delhi en 1989, et par la suite sont invités à se produire régulièrement en Inde durant leurs longs séjours d’apprentissage en ce pays. Ils décident de donner un nom à leur duo, le Duo Saaj  (« instrument » en langue indienne). Rentrés en France, ils continuent de se produire jusqu’à présent.

  • IR : Quelles voies vous ont conduits jusqu'à la musique indienne ?

Saaj : En écoutant de plus en plus de musiques traditionnelles en disque ou en concert. La  musique indienne nous a séduits par sa subtilité et ses sonorités envoûtantes. Chaque instrument indien possède un son caractéristique et de grandes capacités d’ornementation.

  • IR : Sylvie Hiély, comment s'est déroulé votre apprentissage du sitar ? S'est-il fait conjointement avec l'apprentissage d'autres instruments ou d'autres aspects de la musique indienne ?

Saaj : Oui, j’ai commencé par le chant et l’harmonium et suis venue au sitar par tout un concours de circonstances. J’ai eu la chance de démarrer tout de suite avec un grand maître, excellent professeur, ce qui est très important. Au début, je ne savais pas que le sitar occuperait toute ma vie. Il fallut d’abord étendre un séjour de trois mois à un an et les visas n’étaient pas faciles à obtenir à l’époque !  Puis convertir ma maitrise de géographie en un DEA d’Etudes Indiennes à Paris. Ainsi l’Inde s’est-elle progressivement installée dans ma vie…

  • IR : Laurent Gherzi, je vous poserai la même question concernant les tabla...

Saaj : Tout d’abord ce fut le dépaysement, la nourriture, la langue, les coutumes,  un choc pour toute personne qui rencontre l’Inde pour la première fois. Pune n’est pas une ville touristique, il s’agissait donc de s’immerger le plus possible dans la culture indienne, non pas en tant que touriste mais en tant qu’élève en musique. Je me suis d’abord initié au sitar, à la flûte Bansuri et au tabla. Finalement j’ai choisi définitivement les percussions avec Nishikant  Barodekar, issu d’une grande famille musicale puisque son arrière grand-père était Ustad Abdul Karim Khan et sa grand-mère Hirabaï  Barodekar. Par la suite j’ai appris avec Suresh Samant, dépositaire d’un immense savoir,  toujours à Pune.

  • IR : Quels sont les musiciens, de tous horizons, auxquels va votre admiration ? Considérez-vous certains d'entre eux comme des modèles ?

Saaj : En premier lieu on choisit bien sûr toujours ses professeurs comme modèles, par rapport à la connaissance du sujet,  mais aussi pour la dévotion qu’ils ont pour la musique. Il existe bien sûr beaucoup de musiciens de la vieille génération qui s’étaient dévoués à la musique et qui peuvent servir de modèles. En tabla : Pandit Samta Prasad, Ustad Alla Rakha, Ustad  Thirakwa, dans la jeune génération Zakir Hussain, Vijay Gathe, Sukvinder Singh Namdari. En sitar, Nikhil Banerjee, Shahid Parvez et Shujat Khan. Nous avons aussi des coups de cœur pour des musiciens quel que soit leur horizon musical. En ce moment nous écoutons beaucoup le dernier disque d’Alain Bashung.  Nous aimons aussi beaucoup la voix d’Aléla Diane et de Yann-Fanch  Kemener  et son album An Dorn avec Aldo  Ripoche au violoncelle.

  • IR : L'essentiel de votre pratique musicale repose sur la musique classique du Nord de l'Inde : cela veut-il dire que vous vous inscrivez radicalement dans une tradition ancestrale ou bien cette musique se renouvelle-t-elle sous vos doigts ? Les Occidentaux que vous êtes apportent-ils justement à cette musique indienne une part d'Occident ?

Saaj : Le Duo Saaj interprète des Ragas au sitar et tabla et respecte la tradition de la musique indienne.  Le répertoire de la musique indienne est âgé d’environ 400 ans, on ne peut pas tout apprendre,  une vie ne suffirait pas. Il n’existe pas d’improvisation musicale en musique indienne dans des notes et des rythmes de nulle part et qui ne mènent nulle part. Les improvisations en musique indienne sont calculées et doivent rester cohérentes, et surtout doivent rester au service du Tal (cercle rythmique) et des Ragas (morceaux) en  cours d’exécution. Pour un musicien le challenge de l’improvisation se fait progressivement, en gardant les règles de la musique indienne,  et l’amène à se promener  musicalement là où son esprit le plus ouvert possible le mène tout en respectant le répertoire. Donc l’improvisation en musique indienne tient énormément du moment, de la connaissance du sujet (Raga) et de la relaxation du musicien ; on appelle cela en anglais le « mood ».  Chaque musicien exprime sa personnalité dans un cadre qu’il a intégré au cours d’un long apprentissage.


Photo Thierry Prigent

  • IR : Votre vécu de la musique indienne valorise-t-il surtout une dimension esthétique, technique, spirituelle... ?

Saaj : La dimension esthétique et émotionnelle de la musique hindoustanie captive l’âme. C’est pourquoi  le public peut assister à des concerts qui durent toute la nuit sans se lasser. On peut appréhender le divin à travers une seule note de musique, il s’agit là d’un très grand pouvoir de cette musique. Certains artistes ont aussi développé une dextérité éblouissante.

  • IR : Vous vous produisez lors de nombreux concerts ou festivals, notamment en France mais aussi en Inde : votre démarche dans ces diverses circonstances, et la réception du public sont-elles très différentes ?

Saaj : Les concerts que nous donnons en France depuis 1991 sont bien perçus par le public,  il ressent  la dimension spirituelle, ancestrale,  la beauté et la clarté de cette musique. Le public indien lui, aura plus de références et de connaissance des concepts. Il est sensible à ce qu’on appelle la « gharana », la transmission d’un style, que l’on soit français ou indien.

  • IR : Vous vous intéressez aussi de près à la fabrication des instruments, du sitar notamment : pouvez-vous nous en dire davantage ?

Saaj : Quelquefois c’est quelque chose qui est très proche mais qu’on ne voit pas. Très peu de musiciens se sont  posé  la question : « avec quoi est fait mon instrument ? », on s’en rend compte quand on brise son instrument par accident ou bien lors d’explications après un concert au public. Finalement qu’est-ce que je connais des matériaux et des composants de mon instrument ?  Dans la ville de Vichy,  une médiathèque voulait traiter de la fabrication des instruments africains faits avec une calebasse,  et c’est là que nous avons réalisé qu’en Inde beaucoup d’instruments sont faits avec des calebasses aussi. En Inde elles sont tellement décorées qu’on oublie le fruit original. Nous nous sommes donc  rendus en Inde dans les lieux de culture et de production et avons réalisé un diaporama sur le sujet.

  • IR : Votre action dans le domaine de la musique indienne comporte également une dimension pédagogique : à qui s'adresse-t-elle et quelles formes prend-elle ?

Saaj : Nous enseignons la musique indienne comme nous l’avons apprise en  Inde.  Nous avons des élèves de tout horizon et de tout âge, indien, français, algérien, réunionnais  etc …et essayons du mieux possible  de faire passer notre savoir à d’autres générations.

  • IR : Vous avez enregistré divers CD, dont un en collaboration avec la chanteuse occitane Martina de Pèira : pouvez-vous nous en dire plus sur cette expérience un peu inattendue ?

Saaj : Nous avons voulu montrer avec cette rencontre avec Martina de Peyre, que la musique des troubadours de l’époque et la musique indienne de certains Ragas se répondaient à merveille et se croisaient  formidablement, c’étaient les mêmes gammes et modulations, y avait- il eu rencontre et influence par le passé ? Les historiens  continuent leurs recherches.

  • IR : Quels sont à présent vos projets ?

Saaj : Nous voulons être toujours de meilleurs  musiciens, avoir du temps pour pratiquer la musique et que plus de gens  soient initiés pour mieux la comprendre et reconnaissent  la musique indienne comme étant une des plus belles qui soient.

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Site Internet

  

   Accueil en musique, comme il se doit, pour le site du Duo, et à partir de cette page d'accueil, le choix entre les versions française et anglaise...
   Le site propose bien sûr une présentation des deux membres du duo et de leurs instruments de prédilection, mais également des diverses activités (conférences, ateliers, etc.). Ne manquez surtout pas la rubrique "Contact et Documentation", avec notamment ses morceaux musicaux et les informations utiles pour commander le CD Vrindavan... 

     
 

   La rubrique "Agenda et Informations", quant à elle, vous permettra de vous tenir au courant de l'actualité du duo...
   L'adresse du site est :
http://www.duosaaj.com

 
         

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