J.-C. Carpanin Marimoutou :

"Le projet repose sur l’affirmation de l’égalité des cultures, la valorisation de la culture vernaculaire réunionnaise"

      
  

   Depuis plusieurs années, la Maison des Civilisations et de l'Unité Réunionnaise (MCUR) est au centre de débats passionnés, voire de polémiques, à connotations politico-économiques. Jean-Claude Carpanin Marimoutou, un des fers de lance du projet MCUR nous en expose ici les données du et prend bien sûr position en faveur de sa réalisation définitive.


Interview  -  Les parrains de la MCUR


Interview

  • IR : Monsieur Carpanin Marimoutou, l'on vous connaît comme universitaire, comme écrivain et comme l'une des voix les plus écoutées de la scène intellectuelle et littéraire de la Réunion et du monde créole ; depuis plusieurs années vous vous êtes personnellement et activement impliqué dans un projet majeur qui a fait couler beaucoup d'encre sur l'île, celui de la Maison des Civilisations et de l'Unité Réunionnaise. Aujourd'hui, pour des raisons que vous nous exposerez tout à l'heure, ce projet semble subir un coup d'arrêt : pouvez-vous nous rappeler tout d'abord dans quelles circonstances et dans quel contexte est né ce projet de la MCUR ?

CM : Le projet de la MCUR est un projet porté par le Conseil Régional sous la mandature de Paul Vergès. La décision de construire ce centre culturel a été prise en 1999. Mais son origine est beaucoup plus ancienne. Le projet est la suite logique des luttes, recherches, travaux, études menés à partir des années 60 du 20è siècle, par les mouvements anticolonialistes (le Parti communiste réunionnais en particulier), les militants culturels, les chercheurs sur l’histoire de La Réunion,, la culture réunionnaise, la langue créole… Il n’existe nulle part un centre culturel donnant à voir cette culture et cette histoire et valorisant la culture réunionnaise.

  • IR : Quels en étaient les principes fondateurs ? Pourquoi "Civilisations et Unité" ?

CM : Le projet repose sur l’affirmation de l’égalité des cultures, la valorisation de la culture vernaculaire réunionnaise, la connaissance des différentes civilisations qui sont à l’origine de la société réunionnaise, les processus de créolisation. Il resitue la Réunion dans son espace géopolitique et historique, l’océan indien dont la longue durée historique et les créations sont mises en avant. C’est à la fois un centre culturel vivant qui met en avant la créativité réunionnaise et indiaocéanique, et un musée vivant, un musée sans objets construit autour d’une muséographie innovante de la culture immatérielle, des itinéraires. La muséographie repose sur le principe d’installations mêlant sons, images fixes et mouvantes, objets (non authentiques), textes, performances. Une grande place est faite à l’oralité et à la participation des visiteurs.
   Il s’agit, dans l’exposition « 6 mondes, La Rényon », de montrer comment l’unité réunionnaise repose sur la diversité des apports, que l’unité repose sur cette diversité partagée, acceptée, intégrée, ce que Paul Vergès appelle « l’intraculturalité ».

  • IR : Aujourd'hui, en 2010, quel était le degré d'avancement du projet ?

CM : Toutes les études (bâtiment et muséographie) étaient terminées et validées. L’enquête d’utilité publique avait abouti à une conclusion positive. Les chantiers de réalisation étaient sur le point de démarrer.

  • IR : Pouvez-vous nous rappeler quelles personnalités, sur le plan international, ont apporté leur soutien au projet ? Sous quelle forme et pour quelles raisons ?

CM : Le projet était soutenu par l’UNESCO, financé en partie par la communuaté européenne et par l’Etat français. De très nombreuses personnalités ont apporté leur soutien au projet. Ils ont constitué un comité de parrainage (cf. liste). La dimension scientifique était examinée et validée par un conseil scientifique présidé par Marc Augé et composé de Achille Mbembe, Simon Njami et Germain Viatte. Chaque élément de l’exposition « 6 mondes, La Rényon » était analysé et validé par des experts internationalement reconnus. Le projet a été présenté dans de nombreux colloques et a chaque fois suscité l’intérêt et l’enthousiasme. Des relations de partenariat existaient déjà ou étaient en train de se mettre en place avec de grands musées nationaux  et internationaux De nombreux chercheurs étaient venus donner des conférences sur des sujets liés à l’histoire et à la société des pays d’origine, mais aussi sur des sujets contemporains, comme les changements climatiques, les problèmes démographiques, les énergies renouvelables…

  • IR : Concrètement, que doit être - on n'ose dire "qu'aurait dû être" - la MCUR ? Quels doivent être son rôle culturel et scientifique, ainsi que son rayonnement ?

CM : La MCUR est un centre culturel avec des événements, des spectacles, des colloques, des séminaires, des cycles de conférence, des ateliers éducatifs, des ateliers de création, des expositions. C’est un espace citoyen de production de connaissances, de transmission intergénérationnel, d’échanges, de création, de débats, de propositions pour l’avenir de la société réunionnaise.
   Il travaille en partenariat avec des musées, des centres culturels, des centres de recherche, des artistes dans le monde entier, dans l’océan indien, en France et à La Réunion. Il développe, toujours en partenariat, des programmes de recherche sur les sociétés de l’océan indien et sur la société réunionnaise. Il encourage le désir de connaissance et l’esprit critique. Il développe le tourisme culturel. Il a créé le titre Zarboutan nout kiltir qui honore des femmes et des hommes qui ont lutté pour la sauvegarde, la valorisation, la transmission et la création de la culture vernaculaire réunionnaise. Il a permis au maloya d’être inscrit sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l’UNESCO.

  • IR : Pouvez-vous nous dire, objectivement, quels sont les arguments de ceux - notamment les décideurs du Conseil Régional - qui souhaitent un arrêt de ce projet ?

CM : Le seul argument avancé est celui du coût (87 millions d’euros), ce qui est le coût d’un rond point à La Réunion. C’est un argument populiste et démagogique. En réalité, derrière cet argument, c’est bien le contenu et les enjeux du projet qui étaient attaqués. Il y a clairement une position rétrograde et populiste contre la culture et contre tout ce qui peut mettre en valeur l’initiative et la « capabilité » des Réunionnais ; un refus de la culture vernaculaire et immatérielle ; un refus de tout ce qui peut remettre en question le vieux discours colonial sur « La Réunion terre (uniquement) française » ; un refus d’accepter l’égalité des cultures, leur rencontre, la créolisation.

  • IR : Que leur répondez-vous ?

CM : L’argument financier est un faux argument. Comparé à d’autres équipements culturels, la MCUR ne coûte pas cher. Par ailleurs, des régions confrontées à de graves problèmes économiques et sociaux ont choisi, au contraire, de jouer la carte culturelle pour dynamiser le tissu économique. C’est le cas de Metz avec le Centre Pompidou, de Lens avec le Louvre. L’exemple de Bilbao, avec le Guggenheim est, à cet égard, particulièrement parlant.

  • IR : Dans l'état actuel des choses, la situation vous semble-t-elle dans une espace ou bien des espoirs sont-ils permis ?

CM : La réalité est la suivante : le conseil régional ne veut plus assurer la maîtrise d’ouvrage du projet. Cela ne veut pas dire que le projet est mort. On ne tue pas une idée. Il nous faut maintenant trouver une nouvelle maîtrise d’ouvrage pour mener à bien la réalisation de la MCUR. Cela peut prendre la forme d’un partenariat public/privé avec des communes, l’Etat, des privés locaux et internationaux, une participation financière des Réunionnais. Il faut mettre en place un nouveau montage juridique, administratif et financier. La commune du Port a déjà accepté de mettre à disposition un terrain. Nous avons fondé une association, dont j’ai été élu président, « MCUR, recherche culture, action ». Elle a pour objectif de continuer le travail scientifique et culturel, de contribuer à la réalisation du centre culturel MCUR, de développer l’appropriation du projet par les Réunionnais, de continuer à organiser des manifestations de préfiguration. Nous avons déjà mené une première action : la célébration de la journée nationale de commémoration de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions, le 10 mai.

  • IR : Les responsables du projet envisageraient-ils de le modifier pour assurer sa survie, si aucune autre solution n'était possible ? Si oui, dans quelles conditions ?

CM : Ce qui importe, ce n’est pas le bâtiment en tant que tel. C’est le sens de la MCUR.

  • IR : Personnellement, quelle forme comptez-vous donner à votre action dans la période à venir ?

CM : Développer le travail de l’association, renforcer les partenariats au niveau local,  national et international pour mener à bien le travail scientifique et les actions de préfiguration. Nous allons créer un véritable site internet, publier des ouvrages, continuer la collecte de la culture immatérielle, avancer dans la mise en place de l’exposition « 6 mondes, La Rényon », mettre en place des manifestations culturelles..

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Les parrains de la MCUR

 

 

PARRAINS MCUR

 

 

 

 

 

 

PRENOM

NOM

Philosophe, Historien, Paris

M.

Mohammed

ARKOUN

Anthropologue, Professeur émérite, Aix-en-Provence

M.

Jean

BENOIST

 Conservateur en chef du patrimoine, Paris

M.

Michel

COLARDELLE

 Ecrivain, professeur émérite, université de Columbia, New York

Mme

Maryse

CONDE

 Ecrivain, Maputo, Mozambique

 

Mia

COUTO

Secrétaire de l’Organisation Internationale de la Francophonie, ancien président du Sénégal, Paris

M.

Abdou

DIOUF

 Ancien président de l’assemblée nationale de la république du Mozambique, Maputo

M.

Marcellino

DOS SANTOS

Directrice du Musée DAPPER, Paris

Mme

Christiane

FALGAYRETTES-LEVEAU

 Ancien ministre de la culture du Brésil

M.

Gilberto

GIL

Président de la fondation  « Green Cross International », Genève

M.

Mikhaïl

GORBATCHEV

 Professeur émérite, sociologue, Londres

M.

Stuart

HALL

 Biologiste, Paris

M.

Albert

JACQUARD

 Réalisateur, Londres

M.

Isaac

JULIEN

 Directeur de la maison des cultures du monde, Paris

M.

Cherif

KHAZNADAR

Critique d'art, Ambassade des USA, Bureau des affaires Culturelles, Dakar

Mme

Koyo

KOUOH

Historien et critique d’Art, Afrique du Sud

M.

Sarat

MAHARAJ

 Conservateur en chef, président du musée du Quai Branly, Paris

M.

Stéphane

MARTIN

 Ancien directeur de l’UNESCO

M.

Fédérico

MAYOR

Historien, spécialiste de l’histoire africaine, directeur d’études à l’ EHESS, Paris

M.

Elikia

M'BOKOLO

 Sociologue, écrivain, Paris

M.

Albert

MEMMI

 Président de l’Alliance française en Inde, Pondichéry

 

V.

NALLAM

Réalisateur, Le Caire

M.

Yousry

NASRALLAH

Sénateur, ancien ministre de la santé, Paris

M.

Jacques

RALITE

Historien de l’océan indien, Dar-es-salam

M.

Abdul

SHERIFF

Ancien président de la République portugaise, Lisbonne

M.

Mario

SOARES

 Députée de la Guyane

Mme

Christiane

TAUBIRA

 Membre du Comité économique et social,  Présidente du Centre culturel Tjibaou,Nouméa

Mme

Marie-Claude

TJIBAOU

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