Laïla  Jaganardinpoullé :

"Je suis fière de ma culture"

    
  

   Jeune Réunionnaise de vingt-deux ans, cette étudiante en Master de Sciences Physiques a participé cette année au désormais fameux concours "Miss India France", à Paris... et elle a été élue Miss Congeniality, un titre qui récompense la personnalité la plus marquante parmi toutes les candidates. Elle nous parle avec enthousiasme de son expérience, mais aussi de ses racines et de ses ambitions.


Interview

  • IR : Laïla Jaganardinpoulle, pouvez-vous tout d'abord vous présenter à nos visiteurs ?

LJ : Je m'appelle Laïla Jaganardinpoullé. J'ai vingt-deux ans et je suis arrivée à Paris en juillet 2006 pour continuer mes études après avoir obtenu une licence de Sciences Physiques. J'ai effectué l'année dernière une première année de Master en Physique à l'université de Paris 7. Cette année, je prépare le Concours pour enseigner dans le second degré les Sciences Physiques, à l'IUFM de Paris. J'ai décidé de partir en métropole pour connaître de nouvelles choses, découvrir un autre mode de vie, la vie parisienne. Et j'ai pu le faire grâce à mes parents qui me soutiennent dans toutes mes études.
   A coté de cela, j'ai ma culture indo-réunionnaise, dans laquelle je suis née, et j'ai grandi au coeur des différentes cérémonies religieuses, au son des tambours indiens, des cloches qui retentissent, et de la lumière a toujours guidé mon chemin. Je suis fière de ma culture, et je pratiquais la danse indienne (leKollywood, dans de l'Inde du Sud) avant de partir. Dans ma nouvelle vie à Paris, je dois avouer que c'est cette culture qui me manque énormément ainsi que ma famille.

  • IR :  Pouvez-vous nous parler davantage du titre obtenu lors du concours de Miss India France ? Comment les choses se sont-elles passées ? Que ressentez-vous ? Qu'est-ce que ce titre pourra vous apporter ?

LJ : J'ai découvert le concours de Miss India France lorsque je feuilletais à la Bibliothèque du campus de Saint Denis des revues sur la culture Indienne. Ce concours m'a tout de suite interpellée. Par la suite, j'ai effectué des recherches sur le web et beaucoup de points ont attiré monattention : premièrement, ce concours est accessible à toutes les jeunes filles d'origine indienne nées en France. Il permet à celles-ci de se faire remarquer dans le milieu de cinéma, du mannequinat ou même de participer à d'autres évènements indiens tels que les spectacles, les manifestations.
   J'ai envoyé en janvier 2006 ma candidature au comité et, en juin, j'ai été au casting qui s'est déroulé dans un restaurant indien à Paris.
   Pour montrer à quel point la famille compte beaucoup dans la vie d'une jeune femme indienne, on devait avoir l'accord de nos deux parents pour pouvoir participer à cette élection. De plus, il fallait avoir un très bon niveau d'anglais car en effet, la gagnante devait représenter la France à l'élection de Miss India Worldwide (concours international).
   J'ai été sélectionnée suite à ce casting, puis tout s'est passé très vite : après des mois de répétitions, le soir du 9 février arriva. La soirée s'est déroulé ainsi :
défilé en tenue traditionnelle, puis les candidates devaient se présenter chacune à leur tour ; puis vint la partie "talent", car toutes les candidates devaient présenter en trois minutes maximum un talent (danse, karaté, chant, théâtre, poème...), j'ai pu faire une représentation de Kollywood.
   Troisième partie : défilé en robe de créateur... à ce moment-là, six prix ont été remis à six candidates : il y avait Miss Best Hair, Miss Beautiful Eyes, Miss Best Talent, Miss Best Smile, Miss Best Catwalk, et celui que j'ai reçu : Miss Congeniality. Ce titre signifie que ma personnalité a marqué le jury ainsi que le public dans la salle, et je suis fière de l'avoir reçu car il confirme ma détermination, mon sens de la convivialité, ma joie de vivre au quotidien. Grâce à ce titre, j'ai pu à l'occasion me faire remarquer car en effet, j'ai été contactée par la suite pour représenter l'Île de La Réunion au concours de Miss India Worldwide. Mais, je n'ai pas pu y aller car comme vous le savez... les études avant tout.
   En tout cas,j 'encourage toutes les jeunes femmes indiennes à se présenter à cette élection (pour vaincre votre timidité, pour montrer votre talent de danseuse ou chanteuse ou même pour connaître ce monde merveilleux de la mode) car ce fut une très très belle expérience, j'ai pu me faire des amies, connaître le milieu de la beauté, du mannequinat dans le milieu indien.

  • IR : Mannequinat, cinéma, spectacle... vers quels horizons préfèreriez-vous personnellement orienter votre carrière, si c'est bien dans un de ces domaines que vous envisagez de poursuivre ?

LJ : D'un coté, je souhaite devenir professeur de sciences physiques pour les lycées et collèges, et d'un autre coté, dès que l'opportunité s'offre à moi (telle que je l'ai eue lors de ma participation à cette élection), eh bien mon rêve est de devenir actrice de films Bollywood comme Rani Mukerjee : pour moi l'actrice qui est l'essence même de ma motivation pour être actrice. Si un jour j'ai l'occasion de passer par Bombay, je n'hésiterai pas à me faire remarquer par un réalisateur, qui sait ?

  • IR : Quel regard portez-vous sur le cinéma indien ?

LJ : Je suis une passionnée de films indiens, même s'ils durent plus de trois heures : les décors très colorés, les vêtements fashion, les histoires intrigantes, les musiques envoûtantes et surtout la moralité qui en ressort.

  • IR : Et que pensez-vous de l'engouement des Réunionnais pour ce cinéma ?

LJ : Les Réunionnais sont de plus en plus attirés par ce phénomène Bollywood et je pense que c'est une très bonne chose car ils découvrent, à travers cela, cette très belle culture avec ses différentes célébrations (telles que la fête de la lumière, celle des couleurs, Holi...) et ils découvrent à travers le cinéma les différents aspects de l'Inde (de la pauvreté, en passant par les castes (dans le film Lagaan), aux paysages magnifiques qu'offre ce pays).

  • IR : Vos ancêtres étaient indiens, vous avez grandi à la Réunion : comment ressentez-vous et comment vivez-vous cette identité indo-réunionnaise ? En quoi consiste-t-elle ? La revendiquez-vous ? La dépassez-vous ?

LJ : Mes ancêtres étaient des déportés de l'Inde du Sud qui sont venus s'installer à La Réunion. Du coté maternel, mon grand père est prêtre hindou à Savannah et du coté paternel, mes ancêtres ont construit le temple de la Rivière des Galets où j'ai grandi depuis mon plus jeune âge. Mes ancêtres, mon grand père et mon père ont marché sur le feu.
   J'ai grandi entre tradition et modernité et j'assume pleinement dans la vie de tous les jours ma culture indo-réunionaise : en passant par les prières quotidiennes, les carêmes pour les cérémonies le dimanche (le plus souvent), et aussi les repas indiens tels que le briani, le massalé cabri et j'en passe. Comme vous le savez, nous sommes en carême le soir du réveillon du nouvel an car le lendemain nous allons au temple.
   Cette culture me manque énormément ici car je ne peux assumer pleinement mon quotidien : plus de cérémonies, plus de repas indiens préparés par ma famille, et surtout plus la famille avec qui je partageais tous ces moments.

  • IR : Vous vivez maintenant à Paris : comment s'est passé votre intégration ?

LJ : Cela fait maintenant un an et demi que je suis à Paris, et aujourd'hui je peux affirmer que je me suis complètement intégrée à la vie parisienne. Il a fallu quand même un temps d'adaptation car on doit supporter le froid si inhabituel, porter des vêtements que l'on n'est pas habitué à porter au quotidien, les baskets et bottines pour prendre le métro, et surtout s'habituer à l'absence de sa famille lorsque l'on a vécu vingt-et-un ans avec eux et qu'un jour on quitte tout, sa terre d'origine, pour les études.
   Aujourd'hui, j'ai plein d'amis, éunionnais et métropolitains ; j'ai visité la capitale, les quartiers célèbres , sans oublier le quartier indien où je me rends le plus souvent possible pour acheter des produits réunionnais, des DVD de films indiens qui viennent tout juste de sortir.
   Je me rends, dès que les vacances arrivent et lorsque les examens sont terminés, à La Réunion pour me ressourcer avec ma famille et ainsi je reviens à Paris, forte et remplie d'émotion, prête à commencer une nouvelle année d'études.

  • IR : Forte de votre expérience, quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui tentent l'aventure métropolitaine ?

LJ : Je conseille à tous les Réunionnais qui tentent l'aventure métropolitaine de continuer à vivre pleinement leur vie  et de ne surtout pas changer de mentalité en rentrant à La Réunion. Ne pas hésiter à visiter, voir et découvrir de nouveaux horizons, car on ne vit qu'une fois et donc il faut profiter pleinement de chaque moment de sa vie.

  • IR : Faut-il forcément quitter la Réunion pour "réussir" ?

LJ : Il ne faut pas forcément quitter La Réunion pour réussir, surtout lorsque l'on veut devenir Professeur ou exercer un métier qui existe à La Réunion. Celui qui a envie d'innover, de monter une entreprise, ou qui a une autre ambition quitte La Réunion le plus  souvent pour acquérir de l'expérience, et puis rentre pour exercer son métier avec assurance et expérience.

  • IR : Quels sont vos projets ? Comportent-ils un volet indo-réunionnais ou même indien ?

LJ : D'abord, je souhaiterais obtenir le CAPES, qui me permettra d'enseigner ma passion, les Sciences Physiques, au Collège et au Lycée, quelques années bien sûr ici à Paris, pour avoir de l'expérience, puis par la suite, rentrer à La Réunion, pour m'y installer définitivement auprès de ma famille, de mes origines, de ma culture indo-réunionnaise.
   J'aimerais aussi créer une association pour les jeunes qui leur permettrait de voir les Sciences Physiques sous un autre angle que le Scolaire, c'est-à-dire, à travers les fusées à eau, les microfusées, les ballons-sondes, les satellites... J'ai déjà eu des contacts avec les responsables de ces diverses activités à Paris lors de mon stage de Master que j'ai effectué à l'association Planète Sciences (en partenariat avec le CNES, Centre National d'Études Spatiales) et il ne reste plus qu'à monter l'association à La Réunion.
   J'ai aussi l'ambition de percer dans le Bollywood (danse ou cinéma) si cette chance se présentait à moi... alors Mesdames et Messieurs, à vos écrans !


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