Présentation
Si nous avons déjà eu
l'occasion d'en apprendre davantage sur la
peinture madhubani,
originaire du Bihar, c'est dans le sud de l'état d'Andhra Pradesh que nous
irons à présent à la découverte d'une autre forme traditionnelle et
populaire d'art pictural : le kalamkari, qui n'est pas sans rappeler
beaucoup la technique du batik. Littéralement, si l'on se réfère à
l'étymologie en hindi, il s'agit de
travail (kari) au stylet (kalam). On dit parfois que cet art,
non sans évolutions ni perfectionnements, existe depuis quelque trois mille
ans, transmis comme bien d'autres en Inde de génération en génération au
sein des familles ! On raconte qu'en des temps très reculés, les
chitrakattis, des comédiens et musiciens ambulants, mais aussi un peu
peintres, illustraient leurs prestations en présentant à leur public des
toiles dessinées et teintes rapidement avec des produits naturels. |
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Le kalamkari que nous évoquerons ici est principalement celui qui se
pratique dans la petite ville de Srikalahasti, à trente ou quarante
kilomètres de Tirupathi, et connue aussi pour son temple de Kalahastîswara. C'est ici en
particulier la caste (ou plutôt jati) des baloja ou balaji
qui se livre à cet artisanat d'art, notamment depuis le XIXe
siècle.
Un autre centre de
création réputé est Masulipatnam, sur la côte plus au nord, où nous trouvons
un art peut-être plus ouvertement décoratif, aux influences persanes et
hollandaises, utilisé pour la confection de rideaux, vêtements ou autres
couvre-lits... Les motifs sont alors souvent végétaux : arbres, fleurs,
feuilles... et l'utilisation de blocs de bois sculptés pour imprimer ces
motifs est caractéristique. Depuis fort longtemps - au moins depuis le XVIIe
ou XVIIIe s. - Masulipatnam exporte une partie de sa production vers
l'Occident, de même qu'y transitaient les pièces venues de Srikalahasti. Il
existait aussi un marché abondant en Asie du Sud-Est et en
Extrême-Orient. Il est à noter que la prédominance des motifs végétaux et de
l'influence persane s'explique par le fait que la ville était soumise aux
sultans de Golconde et que le goût ou les contraintes musulmanes étaient
donc déterminants dans la création des artisans. Il arriva par ailleurs, à
l'époque de la colonisation britannique, que l'on vît des sujets de sa
Gracieuse Majesté faire exécuter leur portrait en kalamkari. Ajoutons que le
chintz anglais (voir aussi le mot sitz hollandais)
tiendraient leur appellation et leur origine du mot tamoul désignant
le kalamkari : chîtti ou sîtti.
Karrupur près de Thanjavur dans le Tamil Nadu fut un autre centre
actif à l'époque marathe, notamment celle du Raja Sarfoji, la famille royale
étant alors la principale pourvoyeuse de commandes.
A Srikalahasti, par contre, où les origines du kalamkari
remontent au moins au XIIIe siècle, les sources d'inspiration sont
essentiellement religieuses et mythologiques. Traditionnellement, en effet,
ces tissus peints, ou plutôt teints, étaient utilisés dans les temples, pour
l'instruction des fidèles - à la manière, si l'on veut, des fresques murales
ou des vitraux des églises chrétiennes. C'est ainsi que l'on trouve en
abondance des pièces représentant diverses divinités sous diverses formes : Ganesh, Krishna, mais aussi Durga, Lakshmi, Shiva ou Parvati. D'autres
pièces sont presque conçues à la manière de bandes dessinées, pouvant
retracer quelque épisode mythique ou quelque scène des grandes épopées, le
Mahâbhârata et le Râmâyana. Cependant, comme à Masulipatnam,
les motifs se sont diversifiés
Sur un plan technique, la réalisation des pièces de kalamkari obéit à un
processus long et relativement complexe. |
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