Dominique Ramassamy :

"comprendre que les religions se partagent des approches authentiques de « Dieu »"

     
  
   Nous avons déjà eu l'occasion de croiser le chemin de Dominique Ramassamy il y a quelques mois, pour une première interview. La publication de son nouveau livre, La beauté cachée des religions, nous porte à nouveau à sa rencontre dans cet entretien où il revient sur son propos pour l'éclairer d'un jour complémentaire...

Interview        La beauté cachée des religions
Autre interview


Interview

  • IR : La beauté cachée des religions se donne comme un livre né d'un épisode vécu : pouvez-vous en préciser les circonstances ?

    DR : L’ermitage existe bel et bien, blotti dans les Alpes, et j’ai eu la chance de rencontrer les fascinantes moniales qui s’en occupent. Je laisse le soin au lecteur de saisir si la rencontre est réelle ou imaginaire… Mais, qu’est-ce que la réalité et qu’est-ce que l’imaginaire ? Ce dernier n’a-t-il pas souvent fécondé et précédé la réalité ?

  • IR : Si j'ai bien compris vos propos dans La beauté cachée des religions, la clé de tout, de toute spiritualité authentique est Amour : "L'AMOUR EST LA SEULE REALITE. TOUT EST AMOUR", écrivez-vous en capitales à la page 138. Mais que faut-il voir dans ou à travers ce mot Amour ?

    DR : C’est Shri Bagvane qui s’est exprimé ainsi sur l’Amour, reflétant le fruit de sa quête au long de la vie. Il reste que le mot « amour » a effectivement été utilisé dans toutes sortes de sens qui l’ont dévoyé. Même au sein des voies religieuses et spirituelles.
       Nous avons tout à découvrir de l’Amour. Encore faut-il que nous soyons ouverts… Car bien souvent, on a décidé de ce qu’il doit être et on s’est enfermé dans sa petite vérité.
       Ici, Shri Bagvane a éprouvé en son être ce qu’il appelle AMOUR. Au-delà des mots vides et des affirmations solennelles. C’est le privilège du chakra du cœur de ressentir la présence de l’Amour. En tout l’univers. Quand vient ce jour, toute la vision du monde change. Toute notre relation avec l’univers et les autres prend une dimension merveilleuse, grandiose. Dans le souffle de l’Amour.


  • IR : Tout ramener à l'Amour et l'identifier à Dieu, comme vous le faites, n'est-il pas trop simpliste et réducteur ?

    DR : On dit généralement « Dieu est Amour ». Pourquoi ne dit-on pas : « L’Amour est Dieu » ? Sans doute parce que nous n’avons pas une relation juste et vraie avec l’Amour.
       C’est ce qu’explique Shri Bagvane à la jeune Aurélys, en ces termes :
       « L’Amour divin est infini, il dépasse notre entendement. Des mystiques le décrivent à la fois impersonnel et d’une intensité inouïe, que nos cœurs ne pourraient supporter soudainement… Durant des millénaires, il a choisi de s’adresser aux peuples d’une façon solennelle qui parle à leurs cœurs et leurs esprits.
       Le voici apparaissant tel un être bienveillant, protégeant les peuples et répandant ses grâces. Le voici tel un Père tout-puissant régnant dans les cieux. Un Père dont l’Amour nous exhorte au meilleur de nous-même ! Le voici telle une Mère bienveillante, chérissant ses enfants. Une Mère dont l’Amour nous émeut de tendresse. Le voici tel un frère divin parmi nous, devenant si proche, offrant son Amour et sa Compassion infinis. Le voici tel un ami divin toujours présent en nos cœurs, prêt à nous entendre, à nous aider, à nous soutenir.
       Oui, l’Amour divin nous parle de mille et une façons ! Dès l’enfance il nous marque avec force à travers l’affection de nos père et mère. Même si la relation a été douloureuse, même si nous ne les avons pas connus, en notre cœur se trouve à jamais le sentiment d’un Amour maternel idéal, d’un Amour paternel idéal… dont l’espérance et la beauté influenceront souvent une grande part de notre vie.
       Quand vient un âge où nous y sommes sensibles, l’âme nous éveille à sa présence dans les relations amoureuses. Le voici qui fait irruption un beau jour… il bouleverse l’ordre d’une vie tranquille… nous laissant subjugués dans un mélange de bonheur et de souffrance… En aimant l’autre, nous aimons le sentiment d’Amour que nous éprouvons… nous réalisons le délice du sentiment d’Amour… il nous arrive de chercher : d’où vient-il ? »
       Oui, pour ceux dont le cœur subtil est éveillé, l’évidence est permanente :

La vie est impossible sans Amour…
L’Amour est l’oxygène de l’âme.

  • IR : Une autre idée déterminante dans votre livre se trouve dès la page 15 : "Dieu est universel ! Toutes les religions représentent des approches légitimes..." S'agit-il d'un appel à l'oecuménisme ; incitez-vous à une sorte de voie syncrétique ou de cocktail New-Age ?

    DR : Non, le livre le dit ailleurs. Chaque tradition représente une couleur magnifique participant à la beauté de l’arc-en-ciel.
       Plus que « tolérer », il s’agit de comprendre que les religions se partagent des approches authentiques de « Dieu ».
       Prenons un image simple. Imaginons une montagne, altière et enneigée, symbolisant « Dieu ». Autour de cette montagne, existent différents villages. Les uns tout proches, sur des versant opposés. Les autres plus éloignés, apercevant tout ou partie. D’autres encore plus éloignés, mais émus d’une telle beauté. De chaque village, on voit la montagne-Dieu de façon différente. Et pourtant chacun est vrai dans sa vision, même s’ils voient « Dieu » selon des angles opposés… N’en est-il pas ainsi des religions et spiritualités ?
       De plus, peut-il y avoir spiritualité sans humilité ?
       « Dieu » est trop immense pour qu’une seule religion puisse penser en avoir fait le tour. Tel est le propos soulevé dans cette rencontre en montagne.
       Mais « Dieu » nous a-t-il déjà tout révélé de sa nature infinie ?... Le penser n’est-il pas se fermer sans s’en rendre compte ?


  • IR : Votre ouvrage - même s'il invite à une relecture actualisée des Livres sacrés - semble remettre en question ces derniers, ainsi que les rites et les images traditionnelles de Dieu qui y sont associés. Qu'en est-il réellement ?

    DR : J’ai trop de respect pour remettre en cause les Livres sacrés. Mais quiconque s’y intéresse de près constate la difficulté des interprétations. Voilà qui garde les portes ouvertes.
       Le seul argument légitime (selon ce livre) à revisiter les textes sacrés, est de nous amener à découvrir une étonnante beauté, une beauté cachée dans les enseignements religieux… Voilà précisément le titre et le thème du livre.
       En fait, l’homme a traduit les textes selon l’idée qu’il se faisait de « Dieu ». Par exemple, quand il éprouvait fortement un besoin de Justice et de Récompense pour les actes justes, il a construit un « Dieu » en correspondance : punissant les méchants, et rétribuant les gentils…
       Généralement nous ne parlons pas de « Dieu », mais de l’idée que nous nous faisons de « Dieu ». Cependant, nous sommes convaincus que « Dieu » est tel que nous pensons… D’où les inévitables désillusions. Et aussi les découvertes savoureuses, lorsque nous réalisons que « Dieu » revêt un Amour insoupçonné…
       Les mystiques en ont toujours témoigné. La voie du cœur offre un accès privilégié. Dans l’ouvrage précédent (« Cœur subtil et intuitions naturelles »), j’ai voulu témoigner que la voie du cœur était accessible de façon simple, dans la vie quotidienne.


  • IR : D'un bout à l'autre de votre ouvrage, on baigne dans une ambiance de sérénité, de joie et de compréhension : votre vision, vos propos ne peuvent-ils pas passer pour trop angéliques, jusqu'à soupçonner quelque naïveté volontaire de votre part ?

    DR : La question des religions a suffisamment suscité de discordes et de conflits depuis des siècles, de par le monde ! Oui, les religions peuvent se parler dans une ambiance de sérénité, de joie et de compréhension. Et le meilleur en jaillira…

  • IR : Tout de même, l'absence de contradiction, l'absence même d'une phase de doute dans votre démarche ne nuisent-elles pas à sa capacité argumentative ?

    DR : Les arguments développés sont assez nouveaux ou originaux, répondant justement à des questions venant aussi bien des athées que des fidèles.
       Je crois que sur un sujet aussi délicat, la contradiction crispe chacun dans ses certitudes, dans sa vérité. Plutôt que de susciter l’ouverture, du cœur et de l’esprit.
       Il appartiendra aux lecteurs de dire si cette façon douce et respectueuse d’explorer l’esprit des religions s’est avérée adéquate…


  • IR : Ces causeries, ces échanges spirituels et radieux dans un ermitage - par définition isolé du monde - n'ont-ils pas quelque chose de vain, d'illusoire, presque de provoquant tant ils semblent coupés d'un quotidien tellement moins idyllique et tellement plus athée vécu par nombre de femmes et d'hommes ?

    DR : Je ne cherche à convaincre personne ; ni athées ni pratiquants. Mais seulement à partager une façon d’élargir notre compréhension sur un sujet qui reste majeur. Car malgré le modernisme du Progrès et le déclin annoncé des religions, la demande spirituelle reste forte et vivace dans la société.
       J’estime qu’une discussion libre, sans intention cachée de convaincre, peut apporter quelque chose de profond. Toute graine a besoin de conditions favorables pour germer. Le bouton a besoin de douceur et lumière pour fleurir.


  • IR : Votre précédent ouvrage évoquait le "coeur subtil", que l'on retrouve d'ailleurs dès la couverture de cette nouvelle publication : quel lien établissez-vous entre ces deux livres et leurs "messages" ?

    DR : Quand on entre dans son « cœur subtil », on découvre une nouvelle vision du monde. Elle semble tellement idyllique et décalée de la réalité que l’on n’ose en parler. Par sincérité, j’ai tenté de le faire…
       En effet, l’expérience m’a appris que ce qui vient du chakra du cœur relève de l’âme, du Moi profond. D’où le caractère magnifique de ces visions. Cependant, après en avoir savouré le délice, notre conscience ordinaire se heurte à la difficulté quotidienne et a tendance à se résigner. Pourtant, si nous marchons en direction de l’idéal, fut-ce de quelques millimètres, il finira par se manifester.


  • IR : Votre “réunionnité” - avec le contexte pluri-religieux qu'elle suppose - a-t-elle favorisé votre ouverture d'esprit sur la diversité des religions et des voies spirituelles ?

    DR : Bien sûr. Avoir côtoyé depuis l’enfance tant de variété religieuse ouvre puissamment notre esprit. C’est encore un privilège de notre île. Je me souviens d’une époque où chaque religion pensait avoir la vérité, et se montrait arrogante envers les autres. Je me réjouis d’un dialogue pluri-religieux aujourd’hui, et d’une véritable estime partagée. L’île de la Réunion représente un bel exemple d’une humanité cheminant à la rencontre d’elle-même pour en faire jaillir le meilleur.

 

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La beauté cachée des religions

     "La beauté cachée des religions est basé sur un vécu authentique de l'auteur qui a reçu le rare privilège d'embrasser trois grandes religions. Loin d'une discussion théologique oiseuse, Dominique Ramassamy soumet, humblement, un texte tout de grâce, de subtilité et de sagesse." Ainsi débute la quatrième de couverture de l'ouvrage... dont le sommaire propose les chapitres suivants : Une rencontre dans les montagnes - La spiritualité embrasse les religions - En religion, le meilleur est à venir - L'expérience des peuples - L'état de conscience prime l'acte - Difficultés et interprétation des écrits - Le souffle de l'esprit - Deux visions exaltantes - L'influence des valeurs dominantes - Une lettre des Amérindiens - Les racines de l'intégrisme - Textes sacrés : sens littéral ou sens symbolique ? - L'énergie des "hauts lieux" - Le ciel d'une humanité plurielle - En guise d'épilogue.

   Le livre est publié chez Louise Courteau, éditrice au Québec.

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