Dominique Ramassamy :

"nos ressources spirituelles sont toujours prêtes à nous aider"

     
  
   Dominique Ramassamy et son épouse Sabéra, tous deux originaires de la Réunion et vivant actuellement en France métropolitaine, ont publié en 2003 un ouvrage intitulé Coeur subtil et intuitions naturelles. D. Ramassamy nous parle ici de ce livre, de sa vision de la société actuelle, de culture et de science... en adoptant le point de vue, spirituel, d'un homme qui sait à la fois s'impliquer et prendre du recul.

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Interview

  • IR : Dominique Ramassamy, pourriez-vous tout d'abord vous présenter aux visiteurs du site Indes réunionnaises ?

    DR : Je suis né à l’île de la Réunion et j’y ai fait ma scolarité, ainsi qu’une partie de mes études universitaires. Très intrigué par la beauté de l’aventure scientifique, qui a réussi à changer la face du monde en si peu de temps, je me suis nourri de différentes sources, des mathématiques à la médecine. Au final, je suis entré dans la fonction publique et je réside en métropole depuis presque vingt ans.
       En 1979, j’étais encore étudiant à la Réunion. Motivé par une recherche spirituelle libre, j’ai vécu une fantastique expérience intérieure, qui m’a fait découvrir la présence du cœur subtil (ou chakra du cœur). A partir de là, je l’ai intégré à ma vie quotidienne, en essayant de mieux saisir son sens et son fonctionnement. Aujourd’hui, j’ai souhaité partager cette expérience originale
  • IR : Votre dernier livre s'intitule Coeur subtil et intuitions naturelles ; vous y écrivez notamment : "le chakra du coeur est une porte d'accès à des merveilles en nous. Un espace réel, un continent intérieur, évidemment étranger aux habitudes d'un monde moderne entièrement tourné vers l'extérieur, le matériel, le superficiel de l'immédiat" (p.91).
       Quel est donc ce "continent intérieur" dont vous parlez ?

    DR : Dans la société actuelle, nous vivons généralement dans une certaine superficialité d’esprit, alternée de moments plus profonds, venant de « l’intérieur ». Lorsque nous en prenons conscience, alors nous pouvons diriger notre énergie vers ce lieu inhabituel et découvrir sa richesse insoupçonnée : il est tellement vaste, que j’ai choisi le terme de « continent » - et plus loin « d’univers » - pour le décrire.
       L’intérieur du coeur n’est pas l’émotion (ce qui est une erreur habituelle) mais l’âme, le Moi, c’est-à-dire notre être véritable, grandiose et magnifique. De plus, l’espace qui englobe cet univers est essentiellement l’Amour. Un Amour dont nous avons tout à découvrir… Si les yeux sont les organes de la vision, les oreilles ceux de l’audition, alors le chakra du cœur est l’organe dévolu au Souffle de l’Amour. Telle est notre constitution naturelle.
  • IR : Faut-il interpréter votre vision critique du "monde moderne" comme un rejet radical de celui-ci et une incitation au repli sur soi ?

    DR : La critique du monde moderne vise à identifier sa part d’illusion, qui nous fait passer à côté de nous-mêmes : l’avoir du matériel et la vanité du paraître (du statut social), au détriment de l’être… Cela dit, je ne propose pas du tout le repli sur soi au sens d’une fuite. Au contraire, je suggère de chercher l’aide du Soi ! Car nos ressources spirituelles sont toujours prêtes à nous aider à faire face aux difficultés de la vie moderne. Les gens à qui s’adressent mes ateliers à Paris, apprécient que je partage leur quotidien brassé de stress, et réalisent qu’ils peuvent intégrer cet enseignement immédiatement, de façon simple, en espérant améliorer leur cheminement en terme de bien-être, de paix, de joie, de bonheur, et d’action constructive.

  • IR : "Conduire sa vie par soi-même... s'affranchir de l'influence de la société... mener sa barque sans s'inféoder à une voie religieuse ou spirituelle" (p.151), tel est l'objectif de l'apprentissage que vous proposez lors de vos stages : voici semble-t-il, une nouvelle fois, une revendication de la liberté personnelle, voire de l'individualisme, associée à un surprenant rejet du religieux et du spirituel.
       Les voies religieuses et spirituelles sont-elles donc incompatibles avec la liberté ? Celle-ci constitue-t-elle le bien suprême ?


    DR : Je serais désolé que ces paroles soient prises comme des critiques à l’égard des voies religieuses et spirituelles, car je les respecte sincèrement. Je considère en effet que toutes les voies sont bonnes pour celles et ceux qui s’y sentent bien.
       J’ai seulement voulu dire que ce patrimoine merveilleux (du coeur subtil) nous est tellement naturel et intrinsèque, qu’il n’est nul besoin de souscrire à une voie religieuse ou spirituelle codifiée pour y atteindre. Par ailleurs, les participants qui viennent à mes stages peuvent être chrétiens, musulmans, juifs, hindous, bouddhistes, athées, cela ne pose aucune difficulté et nous ne parlons même pas de leur pratique personnelle. Les gens apprécient d’ailleurs cette neutralité respectueuse, et réalisent qu’il s’agit tout simplement de notre héritage universel.
       Parallèlement, dans un passage du livre, je cite les références implicites au coeur subtil que l’on trouve dans les grandes religions, à travers les paroles de Jésus-Christ, de Mahomet, de Bouddha, de Krishna. Car tous ces grands Initiés ont évidemment développé et utilisé cette faculté naturelle qui sommeille en nous.
       En conséquence, pour répondre à votre question, la liberté n’est pas le « bien suprême », mais une alliée précieuse pour y atteindre avec simplicité… Et, à y regarder de près, nous sommes rarement libres, tant nous avons été conditionnés par la famille, l’éducation, les valeurs de la société, la pensée dominante.

  • IR : Que sont ces intuitions naturelles évoquées dans la seconde partie de votre titre ?

    DR : J’ai choisi le terme de « naturelles » pour les distinguer des intuitions forcées, un peu divinatoires, où l’on cherche à deviner une carte cachée ou une pensée de l’autre, et autres tentatives. Les intuitions que j’évoque sont naturelles, si bien que nous les recevons en permanence : elles viennent de différentes parties de notre conscience, parfois sombres, parfois lumineuses. A propos de ces dernières, il nous reste à les identifier pour nous en servir au mieux dans la vie quotidienne.
       En particulier, il existe des intuitions n’ayant rien à voir avec l’intellect et le mental, contrairement aux normes de la société. En effet, le chakra du coeur engendre des intuitions spécifiques, qui n’ont également rien à voir avec les émotions. Ce sont ce que j’appelle des « intuitions de vie », car le coeur a le privilège d’être relié à l’âme et au Moi, qui détiennent les clés de notre cheminement, vers un bonheur accessible.
       Là encore, par ignorance de nous et de nos facultés latentes, nous passons à côté. En permanence, je vois nombre de gens recevoir des messages très clairs en provenance de leur âme, de leur Moi. Sur le coup, ils sentent qu’il y a un souffle magnifique, mais bien vite l’impression s’émousse au fil des jours, ou s’effrite face à la critique des autres. Alors ils renient volontiers leur intuition lumineuse, et n’osent plus s’en servir pour conduire leur vie. Dès lors, un mal-être s’installe volontiers : par exemple, la personne a préféré une vie rangée selon les critères de la société, mais une certaine frustration sommeille en elle, et risque fort d’éclater un jour. Car l’âme chercher à s’épanouir et non à s’endormir.
       Nos intuitions naturelles peuvent se manifester sous différentes formes. Cependant, les rêves représentent le moyen le plus habituel pour recevoir des messages intérieurs… Le livre propose une variété d’exemples et témoignages, invitant chacun à reprendre confiance en lui, en dépit d’une société ahanant la supériorité du « rationnel », sans trop en saisir les limites et les faiblesses
  • IR : Vous avez suivi une formation scientifique, de celles qui souvent conduisent, dit-on, à la construction d'un esprit rationnel et cartésien ; pourtant, vous semblez considérer avec la plus grande méfiance le "mental", l'"intellectuel", le "raisonnable" ("osons trancher les liens du raisonnable", écrivez-vous page 92) : que faut-il en penser ?

    DR : Tous nos outils sont bons lorsqu’ils restent à leur place. Or, la société actuelle, influencée par l’activité scientifique, donne la prééminence au mental-intellect. Mais, justement, il existe plusieurs niveaux de mental : le mental supérieur, le mental illuminé, le Surmental. Alors que la version qui domine actuellement est plutôt le mental ordinaire, qui ne voit pas très loin, et n’a guère d’inspiration. Dans mon parcours, je me suis passionné pour l’épistémologie, c’est-à-dire la critique des sciences, où l’on voit bien les limites et les erreurs troublantes d’un mental livré à lui-même. (J’ai publié en 2001 un livre intitulé Science et médecine : l’audace d’un nouveau départ ! )
       C’est en s’affranchissant du carcan étroit du mental ordinaire que l’on découvre la grandeur du mental supérieur ! Voilà ce que j’essaie de dire à ce sujet. Et les méditations du cœur sont un moyen simple de passer outre les barrières de la conscience ordinaire pour découvrir un horizon de perspectives fascinantes.
       Le « raisonnable » relève du même risque de limitations : on n’ose même plus croire en soi (ni en Soi), en ses capacités inédites, en une autre manière de penser le monde, la vie, l’existence ! Pourtant, il suffit de regarder les siècles et millénaires : toutes les avancées majeures de l’humanité ont nécessité de l’audace, pour sortir du « raisonnable ». Alors, faisons attention aux pièges des mots, qui deviennent des prisons gentillettes…
  • IR : Pour passer à un sujet sensiblement différent, vous écrivez dans votre ouvrage que c'est seulement vers l'âge de vingt ans que vous vous êtes intéressé à votre culture ancestrale, indienne et hindoue : pouvez-vous nous dire quels étaient auparavant vos rapports à cette culture ?

    DR : Auparavant, à l’île de la Réunion, nous étions pris dans l’illusion de la supériorité de l’Occident, avec ses valeurs et surtout ses canons ! De plus, la société était très assimilationniste : on était mieux vu en parlant de Voltaire que de Gandhi et en partageant les pratiques dominantes... Si bien que l’on voyait l’hindouisme, c’est-à-dire essentiellement les rites malabars, comme des survivances d’un passé à bout de souffle.

  • IR : A partir du moment où vous vous y êtes intéressé, qu'est-ce que cela a pu vous apporter ?

    DR :  J’ai découvert qu’il y avait une profondeur majestueuse derrière des rituels semblant folkloriques. Par exemple, en écoutant mon père relier la marche sur le feu à l’histoire du Ramayana, épreuve où Sita veut montrer sa pureté à son époux, en traversant les flammes, intacte.

  • IR : Quelle est aujourd'hui votre vision de la culture indienne ?...

    DR : A l’aune de ses dix ou vingt mille ans d’existence, l’Inde a préservé un patrimoine exceptionnel, que l’on nomme le Yoga, résultant d’une observation minutieuse de l’intérieur de la conscience. Après des siècles de domination de la civilisation européenne, ne croyant qu’en ses valeurs et les imposant au monde entier, la pensée de l’Orient peut aujourd’hui apporter quelque chose aux espérances de l’humanité, en fécondant une réflexion plus universelle.

  • IR : ...Et de la culture réunionnaise ?

    DR : Plus notre monde se tord de racisme et d’extrémisme religieux, plus l’expérience réunionnaise apparaît comme un message fort et authentique, ayant réussi à rassembler diverses ethnies et religions sur un si petit territoire. Nous pouvons vraiment être fiers d’être Réunionnais.

  • IR : A la page 55 de votre livre, vous insistez sur l'importance de la Gîta à vos yeux : qu'en est-il précisément ?

    DR : Je ne sais pas si j’ai un texte majeur ou « préféré ». Mais il est vrai que dans un monde dominant inspiré par les enseignements de la Bible, la Gîta, qui est un texte tellement dense et profond, pourrait aider à un renouvellement de la pensée philosophique et spirituelle. Les siècles passés nous ayant montré un Occident chrétien tellement désireux du fruit de ses actions, que ce soit en termes de profit, d’exploitation, ou de service pour « Dieu », que l’action désintéressée - préconisée par la Gîta - laisse espérer un autre genre de société.

  • IR : Un de vos chapitres s'intitule, de façon presque provocante ou paradoxale : "Le yoga n'appartient pas à l'Inde". Que voulez-vous dire ?

    DR : Tout comme les lois de la mécanique n’appartiennent pas à l’Angleterre, même si Isaac Newton en est le fondateur. Tout comme la biologie n’est pas réservée aux Français, même si Claude Bernard et Louis Pasteur en sont les pères historiques. Ces gens illustres ont découvert une connaissance universelle, relevant du patrimoine de l’humanité. Voilà ce que je veux dire pour l’Inde et le Yoga. En préservant ce précieux savoir au long des milliers d’années, l’Inde a accompli son rôle et restitue sa richesse à l’humanité d’aujourd’hui.

  • IR : Vous avez, pour la rédaction de votre livre, délibérément opté pour un style assez léger, teinté d'un humour sans agressivité et basé sur un apparent dialogue - en fait sans dimension contradictoire : une sorte de monologue à plusieurs voix.
      Pourquoi ce choix de la légèreté sur des sujets finalement profonds ? Ce choix du rejet de la polémique, sur des thèmes qui pourraient malgré tout s'y prêter ?

    DR : J’ai bien souvent constaté que les gens mettaient trop de distance entre l’accès au merveilleux et leur capacité. De même, écrasés par une éducation dans la culpabilité, ils se sentent trop indignes pour que l’ouverture à l’Amour s’avère aussi simple et naturelle. Enfin, la sacralisation du contact avec cette partie de nous qu’on appelle l’âme ou le Moi profond, a également contribué à créer un fossé excessif. Et tout cela nous prive de notre trésor intérieur, de notre jouissance du bonheur, de notre aspiration à la paix, à l’Amour.
       Voilà pourquoi j’ai choisi un ton léger, des conversations enjouées. Afin que chacun puisse se sentir proche de cette Beauté qui réside en lui. Que tout ce processus lui paraisse familier et accessible de façon simple.
       Quant à la polémique, elle me semble inutile. Je n’ai pas de critiques à faire, ni de jugements sur ce que font les autres, mais seulement un bonheur à partager avec celles et ceux qui le voudront.

  • IR : Quels sont désormais vos projets ? Envisagez-vous un avenir réunionnais, ou les liens sont-ils définitivement distendus ?

    DR : Mes projets immédiats, relatifs à cet ouvrage, sont de transmettre cette expérience de vécu en matière de coeur subtil et de « yoga intérieur », ce que j’ai commencé à faire ici, en Europe.
       Pour mon épouse et moi, les liens ne seront jamais distendus avec notre île natale. Nous sommes tellement heureux d’y revenir séjourner de temps à autre, pour nous plonger dans la magie de ses reliefs et bénéficier de ses énergies aussi subtiles que vivifiantes !


Sabéra et Dominique Ramassamy

 

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Site Internet

     Dominique Ramassamy intervient dans le cadre des activités du centre de yoga et d'Ayurvéda Tapovan, basé à la fois à Paris et en Normandie, et dirigé par Kiran Vyas. Le site Internet du centre ( http://tapovan.com.fr/index.html )   propose un contenu susceptible d'intéresser nombre de personnes qu'attirent la spiritualité et les traditions hindoues.
   On y trouvera notamment le riche programme des diverses formations (stages, cours, ateliers), par exemple : hatha yoga, yoga des yeux, ayurvéda, art floral, massage indien, danse Mohini Attam, kalaripayatt... et bien sûr les ateliers animés par D. Ramassamy.
     
   Une boutique propose par ailleurs les ouvrages publiés par les éditions Adi Shakti : textes de Shri Aurobindo, de Kiran Vyas... mais aussi des CDs, cassettes et vidéos. A lire aussi : des informations sur l'actualité du centre (rubrique "News") ou encore la revue Nalanda.
  

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Bibliographie

   Dominique Ramassamy est, à ce jour, l'auteur de cinq ouvrages (les trois derniers disponibles, directement ou sur commande, dans toutes les librairies de France et DOM-TOM, Suisse, Belgique) :

  • Réflexions d'un Français de couleur - 1996/1998 (épuisé)

  • Et si nous faisions un monde meilleur ? - 1998 (épuisé)

  • Science et médecine : l'audace d'un nouveau départ ! - Ed. Louise Courteau - 2001

  • Un "engagement pour l'île de la Réunion : sur la vie de mon père - Ed. Opéra - 2001

  • Coeur subtil et intuitions naturelles - Ed. Louise Courteau - 2003

                                   

   Quelques mots sur Un "engagement" pour l'île de la Réunion : l'ouvrage est, comme son sous-titre l'indique, consacré à la vie du père de l'auteur, Albert Ramassamy. Au fil des pages se dessine le parcours de ce Réunionnais bien connu dont l'engagement politique - celui d'un départementaliste de gauche - l'a notamment conduit dans les années '90 jusqu'à une heureuse surprise aux élections sénatoriales.
   En alternance avec les chapitres évoquant la carrière publique et professionnelle de l'enseignant, du chef d'établissement et du politique, d'autres chapitres proposent d'intéressants détours sur la vie privée et familiale : on y rencontre tour à tour les ancêtres portés sur les côtes réunionnaises par les vagues de l'engagisme, les paysages de Mafate, de Cilaos ou de Grande-Anse, le Swamy de l'ashram du Gol (cousin de l'auteur) ou Albert Ramassamy lui-même préparant avec amour le savoureux massalé maison...
   Un acte de mémoire aux multiples facettes.

 

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