Historique
C'est en 1897, au Victoria Public Hall
à Madras, qu'un Britannique, un certain Mr Edwards, propose pour la première
fois un film en Inde du sud ; et à partir de 1900 débute la
construction de salles de cinéma - britanniques elles aussi - dans la grande
cité tamoule, tandis que, dans la foulée, on fait projeter à travers la
contrée divers courts métrages, sous des chapiteaux où il existe trois
tarifs, selon que l'on s'assoit par terre, sur des bancs ou sur des chaises
!
1916 est une année importante, celle de la première production
locale, et la première en Inde du sud : Nataraja Mudaliyar réalise le film
Kîchavathanam. Si l'on ne peut encore parler que d'un cinéma à
échelle artisanale, une autre dimension, plus industrielle, est prise par la
production tamoule à partir de 1929 avec la fondation de la General
Pictures Corporation. En 1931, à la même époque qu'à Bombay, le public peut
découvrir avec ravissement le premier film parlant : Kalidas, de H.M.Reddy.
L'histoire, d'inspiration essentiellement mythologique, est celle du poète
bien connu, héros éponyme, et le film ne compte pas moins de plusieurs
dizaines de chansons, pour la plupart sur une musique carnatique
classique... Il s'agit de profiter pleinement de l'innovation technique
qu'est la bande son ! L'actrice principale - et elle-même chanteuse - T.P.Rajalakshmi,
peut-être considérée comme la première ou l'une des toutes premières
vedettes du cinéma tamoul... peut-être pas encore une star. En 1936 elle
passera du reste de l'autre côté de la caméra - encore une première pour une
femme tamoule - en réalisant Miss Kamala.
Le premier film à thème non mythologique est de 1933 : Nandanar,
du nom du personnage principal, évoque un simple travailleur agricole, de
basse caste... devenu saint par sa dévotion à Shiva. On ne peut encore
s'éloigner vraiment de dimensions religieuses qui imprègnent intimement le
public indien. La même histoire sera reprise un peu plus tard, en 1935, avec
dans le rôle principal, masculin, une comédienne qui, elle, est
véritablement la première star tamoule : K.B. Sundarambal, payée une petite
fortune à l'époque pour jouer ce rôle : 100 000 roupies. Lorsqu'on sait que
les habitudes dans le théâtre indien ont toujours été de confier les rôles
féminins à des hommes, on pourra s'étonner de ce qui va à contre courant, et
révèle combien l'art cinématographique, par certains côtés, vient bousculer
les règles établies.
1939, en pleine période de revendications indépendantistes, alors
que Gandhi s'est lancé dans l'action non-violente et montre la voie, K. Subrahmanyam propose son oeuvre,
Thyagabhûmi, qui peut passer pour le premier film
tamoul engagé et patriotique - une veine qui sera assez abondamment
exploitée jusqu'en 1947, l'année de l'indépendance - : le héros, Sambu
Sastri - interprété par celui qui a aussi composé la musique, Papanasam Sivan - conduit
avec un intouchable, Nallan, un mouvement d'inspiration gandhienne.
L'histoire est inspirée du fameux écrivain R. Krishnamurty, alias Kalki. A
la fin des années '40, commence aussi la carrière d'un autre grand
personnage du cinéma tamoul engagé :
C.N. Annadurai, écrivain, scénariste et dialoguiste de haute volée.
En
1949, notamment, sortait le film
Velaikkari (réalisé par A. S. A. Sami), qu'il adapta de l'une de ses
pièces.
En
1951, nous retrouvons K.B.
Sundarambal dans un nouveau rôle assez inattendu : elle est en effet la
première personnalité du monde cinématographique à entrer en politique, même
si ce n'est, modestement, qu'au Conseil Législatif de Madras. L'idylle
rapprochant politique et cinéma connaîtra de beaux jours au Tamil Nadu, le
grand écran semblant constituer pour certains le tremplin idéal vers les
plus hautes fonctions publiques... C'est d'ailleurs le cas de
M.Karunanidhi,
dialoguiste du film Parasakthi (sorti l'année suivante), devenu par la suite Premier Ministre
du Tamil Nadu*. Il est à noter toutefois que Parasakthi retient
l'attention aussi pour d'autres raisons : tout d'abord pour son contenu très
controversé, puisque le héros, rationaliste au milieu de l'univers religieux
hindou, va presque jusqu'à tuer un prêtre... On n'est pas loin du scandale,
d'autant que le film ne se prive pas non plus de faire référence aux
pratiques malsaines d'un marché noir minant alors le pays ; et puis, pour la
première fois, un certain Shivaji (Shivaji Ganesan, ou Sivaji Ganesan) fait son apparition sur la
pellicule : il
deviendra un véritable monument du septième art tamoul.
A gauche : Sivaji Ganesan
L'année 1952 est aussi celle de l'organisation du premier Festival
International du Film, en Inde, à Delhi, à Bombay, à
Calcutta mais aussi à Madras. Quant à l'événement de 1953, c'est peut-être,
rétrospectivement, la sortie d'un certain film tamoul basé sur un roman
bengali de Sarat Chandra Chatterjî : Devadas. Cette histoire
au dénouement tragique - ce qui sort du reste des sentiers battus pour un
public habitué aux happy ends - aura l'avenir que l'on sait, en hindi
notamment, avec l'adaptation de Bimal Roy dans les années '50, mettant en
vedette le fameux Dilip Kumar, puis celle de Sanjay Lîla Bhansali, beaucoup
plus récemment, avec le trio de stars Aishwarya Rai, Madhuri Dixit et Shah
Rukh Khan.
En 1954 est produit le premier film tamoul entièrement dépourvu de
chansons, Andha Nâl, tandis que Shivaji brille encore dans
Manohara, réalisé par
LV. Prasad, avec un scénario et des dialogues du fameux Kalaignar Mu.
Karunanidhi. L'année suivante, la couleur fait son
apparition, et s'impose en particulier dans
Alibabhavum Narpathu Thirudargalum, le premier film tamoul à être tourné
entièrement avec cette innovation technique. Les années '50 connaissent
plusieurs grandes stars : outre Shivaji, il faut citer M. G. Ramachandran (également
réalisateur et dont la première apparition à l'écran remonte à 1936), S. S.
Rajendran,
P. Bhanumathy (actrice, scénariste, réalisatrice, productrice,
chanteuse...), Padmini, K.Savithri ou Saroja Devi.
En 1960 est fondé à Chennai
l'Institut Technologique du Film. Les années '60 et '70 voient se poursuivre
le star system dans touts sa splendeur, avec de nouveaux noms : les
réalisateurs
C.V. Sridhar, A. Bhimsingh, Muktha V. Srinivasan, K.Balachandar,
Bharathi Raja, Balu
Mahendra ou
P. Madhavan ; les actrices et acteurs Sridevi, Devika, K.R. Vijaya,
M.R.Radha,
Rajinikanth,
Vijaykanth et bien d'autres...
1973 est l'année du premier film tamoul en
cinémascope : Rajarajacholan, 1986, celle du premier film en 70mm
: Mavîran, 2005, celle du premier film tamoul à être doublé en
français.
Au total, plus de 5 000 films tamouls ont été produits au
cours du XXe siècle !
* Les politiciens tamouls
issus du monde du septième art ont été et sont nombreux. Citons notamment,
outre K. B. Sundarambal et M. Kurananidhi (actuel Premier Ministre du Tamil
Nadu, en 2006) : le scénariste C. N. Annadurai, l'actrice Janaki
Ramachandran ou le très populaire acteur (et occasionnellement réalisateur )
M. G. R. , c'est à dire M. G. Ramachandran longtemps Premier Ministre lui
aussi. Sans parler de nombreux membres du Parlement.
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