Inderjit Badhwar :

"I strongly believe that literature, no matter in which language, belongs to the world"

    
  

   Publié en France en 2004 sous le titre La Chambre des parfums, le premier roman d'Inderjit Badhwar, dont le titre original est Sniffing Papa, a connu dans dans l'Hexagone un véritable succès et obtenu le Prix du premier roman étranger. Avec cette oeuvre riche de sens, l'auteur s'est d'ores et déjà placé parmi les grands de la littérature indienne anglophone. Il a eu l'amabilité de répondre à nos questions.


Interview  -  La Chambre des parfums


Interview

  • IR : Inderjit Badhwar, French readers know your novel La Chambre des parfums ("Sniffing Papa") : is it your first novel ? What did you write before ?
    Inderjit Badhwar, les lecteurs français connaissent votre roman La Chambre des parfums : est-ce votre premier roman ? Qu’avez-vous écrit auparavant ?

 IB : As a teenager I wrote short stories for India’s English language Sunday papers. For 35 years of my life I tried writing novels and then tore up the manuscripts because they seemed imitative and I was unable to establish a style of my own. Unable to muster up the courage of a true artist and to live in poverty and pursue the novelist who lived in me, I took the easiest shortcut and made a compromise : I became a journalist, a very bourgeois and I might add, a successful journalist, first writing for American papers, and then becoming Editor of India Today, this country’s most famous and powerful weekly news magazine. The closest I came to creative writing during this phase of my life was when I wrote a series of  literary reality short biographies of the Great Masters of Indian classical music – among them Ravi Shankar, Hari Prasad Chaurasia, Bhim Sen Joshi, Malik Arjun Mansur, Alla Rakha and several others. “La Chambre…” was my first novel written just before I turned 60. But it was embryonic within me for many decades.

   Durant l’adolescence j’ai écrit des nouvelles pour des journaux indiens en langue anglaise. Pendant trente-cinq ans j’ai tenté d’écrire des romans : je déchirais les manuscrits à chaque fois parce qu’ils sentaient l’imitation, j’étais incapable de trouver mon propre style. J’étais incapable de trouver le courage d’être un véritable artiste, vivre dans la pauvreté, suivre le romancier qui vivait en moi ; j’ai choisi la solution de facilité, un compromis : je suis devenu journaliste, un véritable journaliste bourgeois et, je dois le dire, un journaliste à succès. J’ai d’abord écrit pour des journaux américains, puis je suis devenu rédacteur en chef de India Today, le plus connu et le plus influent des magazines d’information en Inde. Durant cette période de ma vie, ce qui m’a rapproché le plus de la création littéraire est une série de courtes biographies des grands maîtres de la musique classique indienne, parmi lesquels Ravi Shankar, Hari Prasad Chaurasia, Bhim Sen Joshi, Malik Arjun Mansur, Alla Rakha et plusieurs autres. La Chambre des parfums est bien mon premier roman, je l’ai écrit juste avant d’avoir soixante ans, mais il était en gestation en moi depuis plusieurs dizaines d’années.

  • IR : Your own life inspired you for this book, even though it is not an autobiography : when you wrote it, what was your genuine purpose ? Had it something to do mostly with yourself ? Was it a way to pay homage to the ones you love, and maybe mainly to your father and to "Serita" ?
    Vous vous êtes inspiré de votre propre vie pour écrire ce livre, même s’il ne s’agit pas d’une autobiographie : lorsque vous l’avez écrit, quel était votre intention profonde ? Etait-ce une affaire purement personnelle ? Etait-ce une façon de rendre hommage à ceux que vous aimez, peut-être principalement à votre père et à « Serita » ?

IB : No matter what authors may state in their disclaimers about “…resemblance to any living or dead person is purely coincidental..blah…blah…”  the truth is  – and I agree with Erica Jong – that all novels come out of the author’s womb. As you write you cut the umbilical cord and the characters start flying in all directions and you literally have to keep reining them in to stay within your framework. Compared to pure science fiction or  mystery novels where characters can be invented, literature can only invent situations not people. The people in my book are not invented – they are imaginatively morphed. They are composites of people I have known.
  
I do not know why people write except for the love of  writing or to satiate some inner psychic compulsion. Not always for money, no, unless you write Harry Potter and Enid Blighton and Agatha Christie kind of stuff. I do not think Colette wrote for money, nor did Anais Nin, nor Camus nor Henry Miller.  Of course, most literary novels stem from autobiographical experiences. If I describe a forest I cannot do so unless I have seen it myself – that is autobiography. How can I describe an intense orgasm unless I have experienced it myself ? — that is autobiography.  An author cannot fake the intensity of experience. If he does he will sound shallow and fraudulent. The truth will go out of his voice.
   In my book, the locales are those of my childhood, some of the situations are grounded in reality and then extended in metaphorical imagination. Yes the book is a homage to all who are in it – most of them are composites of different characters who peopled India and the US when I lived in both countries. The father could have started out as my father but readers tell me they see their own fathers in him. Women identify with Serita’s cold, mathematical, yet sentimental independence and her ability to balance her life and ensure that there are no losers in the battle of the sexes. Above all the book is an unapologetic celebration of the Indian hybrid – the multi-lingual, multi-cultural Indian mongrel, a most powerful and resilient combination of East and West, a combination that is possible only because of the all-absorbing mystical tradition of Vedantic thought which is all absorbing, all-inclusive.   

   Peu importe ce que vous diront les auteurs prétendant que « … toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées ne serait que coïncidence fortuite, et tout ce bla bla » ; la vérité – et je rejoins là Erica Jong – est que tout roman sort du sein même de son auteur. En écrivant, celui-ci tranche le lien ombilical et les personnages prennent leur envol en tous sens et il doit réellement faire effort pour en tenir les rênes et pour qu’ils ne s’échappent pas des limites du cadre qu’il veut leur imposer. A la différence des romans de science-fiction ou de mystère, où l’on peut inventer des personnages, la littérature ne peut inventer que des situations, pas des gens. Les personnages de mon livre ne sont pas inventés, ils sont simplement modifiés par l’imagination. Ce sont des composés de personnes que j’ai connues.
   Je ne crois pas qu’il y ait d’autre raison d’écrire que l’amour de l’écriture, ou quelque pulsion psychique que l’on doit satisfaire. Il n’est pas question d’argent, non, à moins que vous écriviez des choses du genre Harry Potter, ou des livres comme ceux d’Enid Blighton ou Agatha Christie. Je ne crois pas que Colette ait pu écrire pour l’argent, ni Anaïs Nin, ni Camus, ni Henry Miller. Il est évident que la plupart des romans littéraires naissent d’expériences vécues. Si je décris une forêt, je ne peux le faire que si je l’ai vue moi-même. Comment pourrais-je décrire un orgasme intense si je n’en ai pas fait moi-même l’expérience ? – il s’agit là d’autobiographie. Un auteur ne peut pas faire semblant, il faut qu’il se fonde sur l’intensité de la réalité. S’il fait semblant, cela va sonner faux et superficiel. Il ne saura plus dire la vérité.
   Dans mon livre, les lieux sont ceux de mon enfance, certaines situations sont enracinées dans la réalité, puis extrapolées par l’imagination et ses métaphores. Oui, mon livre est un hommage à tous ceux que l’on y trouve – la plupart d’entre eux sont des composés de diverses personnes qui vivaient en Inde et aux Etats-Unis lorsque j’ai vécu dans ces deux pays.  Le père aurait pu être le mien, mais des lecteurs me disent qu’ils retrouvent en lui leur propre père. Des femmes s’identifient à l’esprit indépendant, froid, mathématique, et pourtant sentimental de Serita, à sa capacité de trouver l’équilibre dans sa vie et à s’assurer que la guerre des sexes ne fasse pas de perdants. Par-dessus tout, le livre célèbre sans complaisance l’hybride indien – le métis linguistique et culturel qu’est l’Indien : un mélange puissant et résistant d’Orient et d’Occident, un mélange possible seulement en raison de la pensée védantique, traditionnelle et mystique, qui a le pouvoir de tout intégrer, de tout inclure.

  • IR : You write in your book that violent feelings are the essence of literature [according to the French translation - if it is wrong, please correct] : could you tell us more about the meaning of it ?
    Vous écrivez dans votre livre que les sentiments violents sont l’essence de la littérature : pourriez-vous nous en dire plus sur ce que cela signifie ?

IB : That should perhaps have been translated as “the lava of passion.”  Without passion there is no literature. Without passion all you have is comic books and science fiction. We all have violent feelings. We often secretly wish our loved ones tortured and killed in bouts of anger. If all of us were to speak with unadulterated expression we would become monsters to one another. That is why the book stresses the civilizing influence of speech and language, and what passes off as the lies we tell every day is really the filters of cultured minds that work to prevent the physical violence that would surely erupt from the uncontrollable evil that the mind creates in all of us.

   L’expression à laquelle vous faites référence traduit peut-être « the lava of passion ». Sans passion, il n’y a pas de littérature. Sans passion, on n’aboutit qu’à la bande dessinée ou à la science-fiction. Nous éprouvons tous des sentiments violents. Il nous arrive souvent, dans de accès de colère, de souhaiter secrètement de voir torturés et tués ceux que nous aimons. Si nous devions tous nous exprimer en termes crus, nous deviendrions des monstres les uns pour les autres. C’est pour cela que le livre souligne l’influence civilisatrice du discours et du langage, et ce qu’écarte au jour le jour le filtre de nos petits mensonges d’esprits cultivés : ils oeuvrent à prévenir la violence physique qui surgirait à coup sûr du mal incontrôlable créé dans chacun de nos esprits.

  • IR : Your main character says that good books have to be read twice : first time for the story, second time for the spirit... I just finished to read it once, and because I am a lazy guy, would you please give a clue about its hidden spirit ?
    Votre personnage principal dit que les bons livres doivent être lus deux fois : la première pour l’histoire, la seconde pour l’esprit… J’ai à peine fini de lire votre livre une fois, et comme je suis paresseux, j’aimerais que vous me donniez un aperçu de l’esprit qui s’y cache…

IB : Actually, my book lacks the conventional “narrative drive” that caused many American literary agents to reject the original manuscript. And I refused to modify it to make it more commercially saleable for them. The French understood it perfectly ! In fact Le Monde called it “Les Moments Fondateurs d’Inderjit Badhwar.”  That was not a bad description. The book proceeds in moments, and each moment turns into a revelation that determines the spiritual evolution of the protagonist. It’s like you never see a film by Truffaut, or Bergman, or Godard, or Louis Malle just once.  I saw Bergman’s Scenes From a Marriage and The Seventh Seal a dozen times. I think what the protagonist meant was that in the first reading of a good work of literature you tend to appropriate the experience. In the second reading you actually enter into the experience. Try it yourself. Read Miller’s Rosy Crucifixion series once and you merely skim. Read it again and you swim. Read it the third time and you begin to drown in it. That is the power of literature. Its ultimate test is its longevity and survival.

   En réalité, mon livre est dépourvu de la « conduite narrative » habituelle, ce qui a poussé bien des éditeurs américains à refuser le manuscrit original. Quant à moi, j’ai refusé de le modifier , d’en faire un produit plus commercial. Les Français l’ont parfaitement compris. Le Monde a appelé cela « Les Moments Fondateurs d’Inderjit Badhwar ». Ce n’est pas une mauvaise description. Le livre est constitué de moments, et chaque moment devient une révélation déterminante pour l’évolution spirituelle du personnage principal. C’est comme pour un film de Truffaut, de Bergman, de Godard ou de Louis Malle : on ne peut pas se contenter de le voir une seule fois. J’ai regardé une douzaine de fois des films de Bergman : Scènes de la vie conjugale, le Septième Sceau. Je pense que ce que voulait dire mon personnage, c’est qu’à la première lecture d’une bonne œuvre littéraire, on a tendance seulement à s’approprier l’histoire. A la seconde lecture, on fait vraiment sienne cette histoire. Essayez vous-même. Lisez la série de Miller, Rosy Crucifixion, une fois et vous resterez à la surface des choses. Relisez-la et vous serez un nageur dans son eau. Lisez-la une troisième fois et vous commencerez à en être complètement submergé. Là est le pouvoir de la littérature. Le test le plus significatif est celui de la longévité et du passage à la postérité.

  •  IR : "Sniffing Papa" shows us a traditional India fading and dying with its forests and its "jheels" during the Sixties and the Seventies : when looking back at this period, what do you feel ? Your main character says that he hopes that at his father's death he will get signs that would say ancient India will be born again. Do you wait for it too ? Are you confident it will happen ?
    La Chambre des parfums  nous montre une Inde traditionnelle qui se perd et qui meurt, en même temps que ses forêts et ses « jheels », au cours des années 60 et 70 : lorsque vous vous retourne vers cette époque, que ressentez-vous ? Votre personnage principal dit qu’il espère voir, à la mort de son père, des signes disant que l’Inde ancienne renaîtra. Est-ce aussi votre attente ? Y croyez-vous vraiment ?

IB : In a sense “Papa” is a human manifestation of the forests and the “jheels”.  Each tree that is felled is a body bow to him. The seasons are his breathing cycles. He has weather in his blood. His hunting – and teaching his family to hunt – are his way of making himself and his offspring wallow in and mingle with the blood of the land so that they remain creatures of the mud and dirt and trees and waters and the wretched of the earth. At every cremation ceremony ancient India is reborn. That is why I describe the macabre last rites with so much detail – and so much love. By the rebirth of ancient India I do not mean simply the ethical values created by systems and rationalists and humanists and reformers. I  Mean, rather, the spark that ignited this rich and most ancient of all civilisations – the quest for the real self, the ability to work in the real world and yet flirt with oblivion, the absence of anomie, the great wisdom of India’s sages that spawned transcendentalism, existentialist philosophy, inspired Spinoza and Thoreau;  gives prime importance to mathematics, economics, and astronomy and yet rates these studies lower in the attainment of wisdom than philosophical and metaphysical inquiry.   

   Dans un certain sens, le personnage du Père est une manifestation humaine de ces forêts et de ces « jheels ». Chaque arbre abattu est un corps qui s'incline devant lui. Les saisons sont ses cycles respiratoires. Le temps qu’il fait coule dans son sang. Chasser, et apprendre à chasser à sa famille, voilà sa façon de se mêler au sang même de la terre, et d’y entraîner les siens, pour qu’ils restent créatures de la boue, de la terre, des arbres, des eaux, de la lie de la terre. A chaque crémation d’un mort, l’Inde ancienne renaît. C’est pour cela que je décris avec autant de détails – et avec autant d’amour – les derniers rites macabres. En parlant de renaissance de l’Inde ancienne, je ne veux pas seulement évoquer les valeurs éthiques  créées par les systèmes, les humanistes, les rationalistes, les réformateurs. Je fais plutôt référence à cette étincelle qui a embrasé cette riche et si ancienne civilisation – la quête du vrai Soi, la capacité à travailler dans le monde réel tout en flirtant avec l’oubli, l’absence de l’anomie, la grande lumière des sages indiens qui ont donné naissance au transcendantalisme, à l’existentialisme, qui ont inspiré Spinoza et Thoreau, qui accorde une importance majeure aux mathématiques, à l’économie, à l’astronomie, tout en considérant ces domaines inférieurs aux questions philosophiques et métaphysiques lorsqu’il s’agit de chercher à atteindre la sagesse.

  • IR : Your book also draws the profile of the States, especially of New York during the same years : students having open conversations about politics, literature, sexual life... people driving up to the mountains, up to their dreams... You put States and India in the balance, without really choosing, as it seems : what does it mean ? Both of these countries are accepted as parts of yourself ? 
    Votre livre propose aussi une image des Etats-Unis, plus particulièrement de New York au cours des mêmes années : étudiants discutant à bâtons rompus de politique, de littérature, de sexe… personnages poursuivant leurs rêves en voiture dans les montagnes… Vous soupesez les Etats-Unis et l’Inde, sans choisir entre eux semble-t-il : qu’est-ce que cela signifie ? Vous assumez que ces deux pays fassent partie de vous ?

IB : Yes, yes, absolutely a correct assumption. If I were to ascribe a historical reason for writing the book it was with the purpose of capturing permanently the passing of an era that shaped the lifestyles and destinies of so many Indians. It is essentially an Indian book. It is about a strange breed of Indians who were shaped and molded by the Vedas, Islam, the British, European literature and America. This breed remains largely unknown to the West even though it owes its literary and social evolution to Marx, existentialism, Rousseau, Lincoln, Kennedy, Dany Conhn-Bendit, Brigitte Bardot, Superman and the Beatles and Presley.  The narrator is a bridge between two vanishing worlds – the India of the British legacy and the America of the 1960’s.  He accepts both and is part of both sans regret, sans guilt, sans bitterness. He is not mal-adjusted because underpinning his existence is the all-pervasive yet non-interfering soul of the Sanskrit Civilization that has proven impervious to dogmatic or cultural aggression.

Oui, c’est tout à fait cela. Si je devais donner une raison historique à l’écriture de ce livre, ce serait l’intention de fixer le déroulement d’une époque qui a modelé les modes de vie et les existences de si nombreux Indiens. Ce livre est foncièrement indien. Il parle d’une étrange génération d’Indiens modelés et façonnés par les Védas, l’Islam, les Britanniques, la littérature européenne et l’Amérique. Cette génération est encore très méconnue en Occident même si elle doit son évolution littéraire et sociale à Marx, à l’existentialisme, à Rousseau, à Lincoln, à Kennedy, à Dany Cohn-Bendit, à Brigitte Bardot, à Superman, aux Beatles et à Presley. Le narrateur est un pont entre deux mondes qui s’évanouissent – l’Inde telle que l’avaient laissée les Anglais et l’Amérique des années 60. Il accepte les deux et fait partie des deux sans regret, sans culpabilité, sans amertume. Il ne se sent pas marginal, parce que le fait de consolider son existence est le propre de cette âme qui pénètre tout sans interférer : l’âme de la civilisation sanskrite qui a su rester intacte face aux agressions idéologiques ou culturelles.

  • IR : Your characters in the novel love to read American and European authors, from Joyce to Sartre, from Thomas Mann to Henry Miller... Indian literature seems to be quite forgotten : why ?
    Vos personnages aiment lire des auteurs américains et européens, de Joyce à Sartre, De Thomas Mann à Henry Miller… La literature indienne semble oubliée : pourquoi ?

IB : India’s finest literature and poetry resides in the Vedas and the Upanishads and the two great Epics the Ramayana and Mahabharata that also draw their inspiration from the 3000-year old texts. Their iambic pentameters, couplets, verses, slokas, parables deal with infinity, rage, jealousy, violence, divorce, sexual relationships, loyalty, hatred, wisdom, war, justice, revenge, compassion, sorrow, ecstasy, nihilism… I strongly believe that what is not in there is nowhere else to be found. So exhaustive and so rich is this literature and its philosophical yearnings, that its profundities  have yet to find a parallel in Western literature. I found that Miller, Kerouac, Ginsberg, Algren, deBeauvoir, Tolstoi, Dostoievsky, Mann, Philip Roth to name a few were groping for meaning and direction in their books and inspiration and meaning led then to the teaching of the Vedas. Purely co-incidental perhaps but true. Jewish writers like Bellow and Singer ultimately allowed their neurotic heroes to find succour in the Talmud.
   It is impossible for an Indian born in India to “forget” Indian literature. The Vedic and Puranic teachings are sung and interpreted for us since birth. The Ramayana is enacted at every village corner and the heroics of the Mahabharatha and its philosophy of “desireless action and conquest of the ego” are the essence of the Bhagwat Gita that is recited in every home. The Sufi couplets and transcendental, irreverent verses of Iqbal, Fayaz, Bulle Shah, Kabir – that blend Islamic faith with “Hindu mysticism”.. What I am saying is that the poetry and literature of the ancient and medieval bards is so powerful, so all-encompassing, so comprehensive that there have been few modern writers who can hold a candle to them. Indian literature is not forgotten, as you say, but Indian writers simply cannot compete for the public’s attention against the great verses that descended on the soil of this land from the UNKNOWN.
   At a less philosophical level, the answer is that literature and poetry have remained an oral tradition because of a high rate of illiteracy in India. Also, India has some 16 different languages that are different as French is from Dutch ! I am multi-lingual. I speak English, Hindi and Punjabi. But I cannot read or speak Sanskrit in which India’s true literature resides. Sanskrit is now as dead as Latin and I have to depend on English translations. Nor can I read the Punjabi or Urdu scripts in which so much of the modern and medieval literature of Punjab and Pakistan is written. There are brilliant writers in Bengali (Tagore etc), the Malayalam language of the South (that’s where Arundhati Roy is from) and the Marathi language spoken around Mumbai…But this literature remains largely confined to people who understand, speak and read those languages. I do, however, speak in the book of several Hindi poets and writers like Siya Ram Sharan Gupt, Subhadra Kumari Chauhan, and Nirala. But I confess to not been overwhelmed by them as I was with Maupassant, or Victor Hugo or Anatole France’s “Le Naufrage.” In any case, I strongly believe that literature, no matter in which language, belongs to the world. And Indian writers in English, as I am, are part of the worldwide literary phenomenon.   

   La meilleure littérature et la meilleure poésie de l’Inde se trouvent dans les Védas, les Upanishads et les deux grandes épopées que sont le Ramayana et le Mahabharata, qui puisent eux-mêmes leur inspiration dans des textes vieux de 3000 ans. Leurs pentamètres iambiques, leurs strophes, leurs versets, leurs slokas, leurs paraboles traitent de l’infini, de la rage, de la jalousie, de la violence, du divorce, des relations sexuelles, de la loyauté, de la haine, de la sagesse, de la guerre, de la justice, de la vengeance, de la compassion, du chagrin, de l’extase, du nihilisme… J’ai la profonde conviction que si une chose ne se trouve pas dans ces textes, elle ne se trouve nulle part ailleurs. Cette littérature et ses aspirations philosophiques sont si exhaustives et si riches que leur profondeur ne trouve pas encore d’équivalent dans la littérature occidentale. Je trouve que Miller, Kerouac, Ginsberg, Algren, de Beauvoir, Tolstoï, Dostoïevski, Mann, Philip Roth – pour ne citer que quelques noms – tâtonnent dans leurs livres à la recherche de la signification et du sens des choses, et l’inspiration, la signification les ont conduits jusqu’aux enseignements des Védas.  Ce n’est peut-être qu’une coïncidence, mais c’est un fait.  Des écrivains juifs tels que Bellow et Singer ont fait trouver de l’aide à leurs héros névrosés dans le Talmud.
   Il est impossible, pour un Indien né en Inde, d’ « oublier » la littérature indienne. Les enseignements des Védas et des Puranas nous sont chantés et récités dès notre naissance. Le Ramayana est représenté dans les villages les plus perdus, la geste du Mahabharata et sa philosophie – agir sans le désir du fruit de l’action, maîtriser son ego – sont l’essence même de la Bhâgavat Gîta que l’on récite dans chaque foyer. Sans oublier les strophes soufies et les vers transcendants et irrévérencieux  d’Iqbal, de Fayaz, de Bulle, de Shah ou de Kabir – ce mélange de foi musulmane et de « mysticisme hindou ». Ce que je veux dire, c’est que la poésie, la littérature des bardes antiques et médiévaux est si puissante, si complète et englobante qu’il n’y a que peu d’écrivains modernes qui puissent leur tenir la dragée haute. La littérature indienne n’est pas oubliées, pour reprendre vos termes, mais le fait est que les écrivains indiens, aux yeux du public, ne peuvent soutenir la comparaison face aux grand poèmes qui sont descendus sur le sol de cette contrée depuis l’INCONNU.
   Sur un plan moins philosophique, la réponse est aussi que la littérature et la poésie sont demeurées à l’état de tradition orale en raison du taux très élevé d’analphabétisme en Inde. De plus, l’Inde compte quelque seize langues différentes, aussi différentes entre elles que le sont le français et le néerlandais ! Je suis polyglotte. Je parle anglais, hindi et Penjâbi. Mais je ne sais pas lire et parler le Sanskrit, langue dans laquelle est rédigée la vraie littérature de l’Inde. Le sanskrit est aujourd’hui une langue morte, comme le latin, et je n’y accède qu’à travers des traductions anglaises. Je ne sais pas non plus lire le Penjâbi ni l’urdu, ces langues dans lesquelles sont écrits tant de textes modernes et médiévaux du Pendjab et du Pakistan. Il existe aussi de brillants écrivains en bengali (Tagore, etc.), en malayalam (langue du Kerala, d’où est originaire Arundhati Roy) et en marathi, la langue parlée dans la région de Mumbai. Mais cette littérature est accessible seulement à ceux qui comprennent, parlent et lisent ces langues. Dans mon livre, j’évoque cependant plusieurs poètes hindis tels que Siya Ram Sharan Gupt, Subhadra Kumari Chauhan et Nirala. Mais j’avoue qu’ils ne m’ont pas aussi impressionné que Maupassant, Victor Hugo ou Anatole France dans Le Naufrage. Quoi qu’il en soit, je suis fermement convaincu que la littérature, quelle que soit la langue, appartient au monde. Et les écrivains indiens de langue anglaise, comme moi, appartiennent à la littérature mondiale.

  •  IR : Indian family life in "Sniffing Papa" does not appear like people in the western world imagine : the father is an atheist, the daughter has many lovers... Nowadays family life in India is the same as in Europe or the States ?
      
    La famille indienne, dans La Chambre aux parfums, n’apparaît pas sous le jour auquel on l’imagine en Occident : le père est athée, la fille a de nombreux amants… De nos jours, la vie familiale en Inde est identique à ce que l’on trouve en Europe ou aux Etats-Unis ?

IB : Many Indias exist side by side : tribal, rural, slum, petit bourgeois, bourgeois, lumpen, super-rich, superstitious, scientific, agnostic, fervent believers, ancient, medieval, modern, super-modern, sexually-repressed, chauvinistic, feminist, sexually liberated….The family in my book is exactly as I have described it to be and there are millions like it - aristocratic/feudal roots, love-hate relationship with Britain and Europe, multi-lingual, convent educated, multi-cultural, well-read, despising the nouveau riche, defying yet rooted to tradition…

   Il coexiste de nombreuses Indes : tribale, rurale, misérable, petite bourgeoise, bourgeoise, prolétarienne, richissime, superstitieuse, scientifique, agnostique, croyante, antique, médiévale, moderne, ultramoderne, sexuellement inhibée, chauvine, féministe, sexuellement libérée. La famille de mon livre est exactement comme je l’ai décrite. Et il y en a des millions de semblables : racines aristocratiques/féodales, relations amour-haine avec les Britanniques, plurilinguisme, éducation chez des religieux, pluriculturalisme, culture , mépris des nouveaux riches, rébellion contre la tradition mais attachement à elle…

  • IR :  What is your opinion about modern India economically becoming one of the most powerful countries ? What about Indian culture finding it's way in the world culture ?
    Quelle est votre opinion sur l’Inde moderne, en voie de devenir une des plus grandes puissances économiques ? Et que dire de la culture indienne, cherchant sa voie dans la culture planétaire ?

IB : India has pulled more than 300 million people out of poverty in the last 50 years which is a record possibly unparalleled in world history given the fact that more than 90 percent of Indian lived below the poverty line as subsistence farmers. Today India boasts among the highest milk, fruit, and foodgrain production in the world, a  high-tech industry that is leading the world, scientists and corporate chiefs who are heading almost every large multi-national corporation. The Indian peasant has survived disasters, wars, pestilence, famines and survived with his dignity in tact. We have never had a dictator since we became a Republic. There is little or no neurosis of the Western kind in Indian villages. They believe that all life on earth is a cosmological,  constant process of recycling and humans are just part of it. All that a human being should strive for is to become conscious of the fact that the forces that perpetuate eternal life have given him a sacred weapon : a higher consciousness that he should use to ask himself who he really is, to differentiate between eternal reality and maya, to  be able to become an “independent witness” of his own ego and thought processes and discover the joys of non-attachment and renunciation and thereby evolve into an even higher state of consciousness. As the protagonist in my book says, “The difference between Indians and the West is that you spend your entire life fighting off and delaying death while we spend our lives trying to understand death, to court death, and to defeat death.”
   Indian culture has already heavily influenced world culture as I have mentioned before. French born Mirra Alfassa became the famous “Mother” of Sri Aurobindo’s Pondicherry Ashram and took the Vedic message of Consciousness Beyond Mind, or “Supramind” to the rest of the world. The whole practice of “consciousness raising” is firmly rooted in India’s Sanskrit literature and culture. It was popularized in the West by Ravi Shankar, Osho, Maharishi Mahesh Yogi. Yoga originated in India – it is part of the physical preparation of the ultimate release of the soul to become one with the  universe. Indian classical music has found champions in Yehudi Menuhin and Jean Pierre Rampal.

   Au cours des cinquante dernières années, l’Inde a tiré de la misère plus de trois cents millions de personnes, ce qui est probablement un fait unique dans l’histoire du monde sachant que plus de 90% des Indiens, cultivateurs, vivaient sous le seuil de pauvreté. Aujourd’hui, l’Inde peut s’enorgueillir d’être un des plus importants producteurs de lait, de fruits ou de céréales, d’avoir une industrie leader dans les technologies de pointe, des scientifiques et des hauts responsables parmi les responsables de presque toutes les grandes multinationales. Les paysans indiens ont survécu aux catastrophes, aux guerres, aux épidémies, aux famines, et survécu avec dignité. Nous ne nous sommes jamais donné de dictateur depuis que nous sommes une république. Il n’y a pas ou il y a peu, dans nos campagnes, de névroses comparables à celles de l’Occident. Ils croient en ceci, que toute vie sur terre est un processus cyclique, constant et cosmologique, et l’être humain n’en est qu’un rouage parmi les autres. Une seule chose mérite que l’on fasse effort pour l’atteindre : la conscience du fait que les forces qui perpétuent la vie éternelle lui ont donné une arme sacrée, une conscience plus élevée, qu’il devrait utiliser pour se demander qui il est réellement, pour faire la différence entre la réalité éternelle et la maya pour être capable de devenir un « témoin distancié » de son propre moi et des mécanismes de sa pensée, découvrir les joies du non-attachement et du renoncement, et ainsi évoluer vers un état de conscience encore supérieur. Mon personnage principal dit ceci : « La différence entre les Indiens et l’Occident est que vous passez toute votre vie à lutter contre la mort et à la retarder, tandis que nous passons nos vies à comprendre la mort, à courtiser la mort et à vaincre la mort. »
   La culture indienne a déjà exercé une influence profonde sur la culture du monde, comme je l’ai déjà dit. La Française d’origine Mirra Alfassa est devenue la fameuse « Mère » de l’Ashram Shri Aurobindo à Pondichéry, et a transmis au reste du monde le message védique de « Conscience Au-delà de l’Esprit » ou de « supramental ». Toute la pratique de l’ « Eveil de la Conscience » est profondément enracinée dans la littérature et la culture sanskrites de l’Inde. Ce sont des gens tels que Ravi Shankar, Osho, Maharishi Mahesh Yogi qui l’ont popularisée en Occident. Le yoga est né en Inde – il fait partie de la préparation physique à l’ultime libération de l’âme fusionnant avec l’Univers. Et la musique classique indienne a trouvé des champions dans des personnes comme Yehudi Menuhin and Jean-Pierre Rampal.

IR :  Personally, what are your projects as a writer ?
Quels sont vos projets personnels d’écrivain ?

IB : “La Chambre des parfums” has now been bought by leading publishing houses in Spain, Portugal, Germany and Holland. I am working on a new, tighter, shorter and more closely cropped version of the original work for the British and US markets. Even though it is available in English on the net through Amazon and eBay, my publishers are negotiating new publishing rights for English speaking countries. Currently, I am working on some short stories about the triumph of the human spirit.

   La Chambre des parfums a été acheté par des éditeurs majeurs en Espagne, au Portugal, en Allemagne et aux Pays-Bas. Je travaille sur une nouvelle version, plus resserrée, plus brève de l’œuvre originale pour les marchés britannique et américain. Le livre est déjà disponible en anglais sur la toile, en vente sur Amazon et eBay, mais mes éditeurs sont en train de négocier de nouveaux droits pour les pays anglophones. Actuellement, je travaille sur des nouvelles évoquant le triomphe de l’esprit humain.

Remerciements à Mme Annie Mouity-Nzamba pour son aide concernant la traduction.

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La Chambre des parfums

  

   Le roman d'Inderjit Badhwar est d'abord une plongée dans le passé, un passé somme toute récent - les années '60, '70 - mais dont on sent bien comme il est déjà lointain. Au rythme des saisons de Raipour, et autour de la figure rayonnante d'un père chasseur se mouvant dans une sorte de symbiose sans mièvrerie avec la nature, une famille indienne aristocratique, glissant doucement mais inexorablement sur la pente du déclin,  vit sa vie de grands et de petits moments. Le narrateur est un des membres de la fratrie, que les exigences de son éducation font traverser les océans pour se retrouver à New-York.
   L'auteur jette un regard à la fois lucide, grave et amusé sur l'évolution des mondes - le perpétuel équilibre instable de ce qui disparaît, ce qui perdure et ce qui naît - comme sur la chimie des êtres et de leurs rencontres entrecroisées. On en ressort avec un peu de ce regard dans nos yeux...

     

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