Brigitte Chataignier :

"Le Mohini Attam permet de développer tous les sentiments"

      
  

   Cela fait maintenant une quinzaine d'années que Brigitte Chataignier tourne sur les scènes françaises et étrangères, et elle est devenue une des danseuses de Mohini Attam les plus reconnues, un véritable modèle pour bien des jeunes talents. Elle nous parle ici de son art, mais aussi du film La Danse de l'Enchanteresse ainsi que de sa découverte de la Réunion.


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Interview

  • IR : Brigitte Chataignier, vous êtes connue en France par tous ceux qui apprécient les cultures indiennes, et vous venez de vous produire à la Réunion... Pouvez-vous vous présenter à ceux de nos visiteurs qui ne vous connaissent pas encore ?

BC : Je suis artiste de Mohini Attam, la danse féminine du Kérala, ainsi que danseuse contemporaine et chorégraphe. Je partage ma vie entre l’Inde et la France. J’ai fondé avec Michel Lestréhan la Compagnie Prana en 1995 à Rennes. En guise  de complément, voici un extrait de ma présentation telle qu'on peut la lire sur le site de la Compagnie : "En 1987, elle quitte la France pour le Kérala (Etat situé au Sud-Ouest de l’Inde) pour travailler le Mohini Attam, une danse féminine traditionnelle de cette région. De 1987 à 1993, elle reçoit l’enseignement de Maîtres de cette danse (Kkm Leelamma, Ksheimavathy…) et se constitue un important répertoire dans le style dit « du Kalamandalam », mais également dans celui dit « Kalyani Kutti Amma » auprès de Smt Sri Devi. Parallèlement, elle travaille le chant carnatique, apprend certains rôles féminins du répertoire du Kathakali, mais aussi les fondamentaux du Kalarippayatt ; est initiée au Nangiar Koothu, et pratique les danses populaires du Kerala.Elle fut soutenu en 1988 par l’Indian Council for Cultural Relations, Indo-French Exchange Programm (ICCR), puis en 1992 reçut une bourse dans le cadre des Accords culturels du Ministère des Affaires étrangères (plus tard, en 2001, elle sera lauréate du programme Sanskriti de Cultures France)."

  • IR : Vous faites partie de ces artistes françaises qui ont choisi de s'investir corps et âme dans la danse indienne : qu'est-ce qui vous y a poussé ? Qu'a de particulier votre parcours ?

BC : La danse a toujours été mon moyen d’expression favori. Cet art réunit l’esthétique, la poésie, le mouvement, la musique, tant d’éléments... La danse indienne m’a littéralement absorbée pendant plusieurs années sans autre préoccupation, notamment lorsque j’habitais en Inde. Le fait d’y avoir vécu sans interruption pendant six années consécutives, et de partager mon temps entre l’Inde et la France a contribué à m’imprégner non seulement de la danse mais aussi du style de vie.
   C’est l’aspect profondément ancré dans la tradition qui m’a attirée. Je me souviens encore des premières classes : une attention mêlée de curiosité, et une attirance pour toujours faire mieux !

  • IR : Vous avez plus spécifiquement opté pour une danse du Kerala, le style Mohini Attam : pourquoi ce choix, de préférence à d'autres ?

BC : Effectivement cette danse a des qualités de douceur, et de lenteur, qui me convenaient à un moment où je souhaitais entrer dans une pratique dans laquelle j’allais pouvoir me donner corps et âme ! Cela n’empêche pas, toutefois, l’ardeur quotidienne au travail ! Mais dans des limites que le corps peut accepter. Et puis maintenant je comprends que l’essentiel se situe dans le Bhava. Le Mohini Attam permet de développer tous les sentiments.

  • IR : Dans sa forme classique, que vous apporte cette danse ? Pouvez-vous dire que vous en avez la même approche qu'une artiste indienne, spirituellement en particulier ?

BC : Comme toutes les danses indiennes, lorsque que l’on reçoit un enseignement traditionnel avec un maître attentif, bienveillant et rigoureux, on s’imprègne également de ses qualités. Je dois dire, que j’ai eu la chance d’apprendre le Mohini Attam à une époque où il était encore comme un bourgeon ! Les maîtres me transmettaient en direct ce qu’elles considéraient être l’essentiel du Mohini attam.
   Mais je ne peux pas dire que j’ai tout à fait la même approche qu’une artiste indienne. De plus, chaque personne est différente. De même parmi les artistes indiennes. On ne peut pas faire de généralités ni remplacer l’expérience physique et matérielle d’une vie. Même si j’ai une réelle inspiration. De quoi vient-elle ? mystère de la vie ? karma, diront certains. Je ne sais pas : j’ai confiance en la vie…

  • IR : Vous avez aussi entrepris un parcours de créatrice plus "contemporaine" : comment ce travail s'articule-t-il avec votre pratique de la danse classique ?

BC : La pratique est influencée par le milieu ambiant, l’époque, les personnes que l’on rencontre. La danse contemporaine, a constitué mon terrain fertile pendant des années avant de partir en Inde. A mon retour en France, j’ai retrouvé mes amis, les théâtres, le besoin de communiquer… Mais tout cela s’est fait progressivement. Besoin de liberté, d’exprimer les choses d’une manière plus personnelle, ou d’apporter ma petite pierre à l’édifice de la création. Il y a un moment qui est celui de la réalisation artistique complète. Pourquoi se limiter à une seule chose. C’est comme avoir deux enfants ! En création, je me situe à la frontière de la tradition et de la modernité. 

  • IR : Que recherchez-vous à travers ces créations contemporaines ?

BC : Je m’inspire de thèmes, nécessairement liés à l’Inde ou plus largement à la femme. Je cherche à inventer, à m’inspirer, et je rencontre ainsi d’autres artistes avec qui travailler.

  • IR : Pouvez-vous par exemple nous parler plus en détail de Gangâ, le spectacle justement proposé à la Réunion ?

BC : Gangâ est une création chorégraphique, qui s’inspire du fleuve Gange. Comme un fleuve, cette création se construit et se module suivant les lieux qui l’accueillent. C’est une création « polymorphe ». Différentes versions existent : pour la scène d’un théâtre telle qu'elle a été présentée sur la Scène nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines (site www.theatresgy.org  mais aussi pour l’extérieur au bord d’un fleuve comme au Festival de l'oh (site http://festival-oh.cg94.fr)  les 18 et 19 juin 2011, ainsi qu’une version trio plus performative et légère. J’avais envie de m’attacher à un thème lié à la maturité. Pouvoir exprimer différents sentiments, traverser des états qui peuvent être liés aussi bien à l’amour qu’à la mort. Etre entre l’Orient et l’Occident, y verser des sonorités musicales et chorégraphiques inspirés des deux versants qui m’habitent. Je crée avec un texte de Zéno Bianu, mon ami poète, avec lequel j’ai déjà travaillé notamment sur quatre précédentes créations dont la dernière était Gopika créée au Grand Théâtre de Lorient (site grandtheatre.lorient.fr) en 2007.. La Réunion, est une île où les cultures se rencontrent, où l’Inde évidemment est très présente. J’ai eu la chance de découvrir l’île en venant présenter une escale de Gangâ, qui était en cours de création, ainsi que des soirées de Mohini Attam. Je suis très reconnaissante à M. Rieul Latchoumy qui m’a invitée au Centre d’Intervention Culturelle, ainsi qu'à Claude Lermené  du Le Séchoir, scène conventionnée de Saint-Leu. Conquise par l’île et ses habitants J’ai très envie de revenir et poursuivre ce travail.

  • IR : Quelles sont vos autres actions et initiatives dans le domaine des cultures indiennes ? Pouvez-vous notamment nous dire ce qu'est la compagnie Prana ?

BC : En 1995, Michel Lestréhan et moi-même avons fondé la Compagnie Prana (à Rennes www.compagnieprana.com) dont la démarche se situe entre tradition et modernité, recherche pour la transmission et la conservation d’un patrimoine culturel et travail de création aux résonances contemporaines.
  
Un des buts de la compagnie Prana  est de diffuser nos spectacles et créations. Prana organise régulièrement des tournées de nos spectacles et invite ponctuellement les maîtres indiens. Nous organisons également des stages en France, et en Inde. Nous intervenons aussi en tant qu'organisateurs et conseillers de programmation. La compagnie Prana est membre fondateur du Collectif Danse Rennes Métropole ; ce collectif rennais est installé avec le Musée de la Danse au Garage, un lieu dédié à la création en danse contemporaine ).

  • IR : Une expérience que je suppose avoir été particulièrement forte dans votre carrière a été votre collaboration avec le réalisateur indien Adoor Gopalakrishnan à l'occasion du film La Danse de l'Enchanteresse. Comment, tout d'abord, ce projet, devenu réalité, s'est-il présenté ?

BC : J’avais très envie de réaliser un film en l’honneur du Mohini Attam, et de mes maîtres bien entendu. Je voulais préserver une mémoire, qui puisse aussi être transmise à un plus large public. Le projet de travailler en collaboration avec Adoor Gopalakrishnan est devenu réalité grâce à une persévérance sans relâche et une dévotion à l’art du Mohini Attam. Ce fut une expérience extraordinaire, qui m’a également beaucoup appris, sur le cinéma bien entendu, et j’ai développé une très grande estime pour Adoor.

  • IR : Pouvez-vous dire quelques mots sur le contenu du film et sur ce qui constitue, à vos yeux, ses points forts ?

BC : Ce film est une promenade poétique dans l’univers du Mohini Attam, ou tout du moins ce que j’en retiens. En effet, c’est une perception finalement assez personnelle, et sentimentale, qui est exprimée à travers ce film. C’est un aspect romantique et dévotionnel du Mohini Attam, dans son contexte traditionnel. Le film n’a pas de commentaires, il nous invite à une expérience esthétique.

  • IR : Comment avez-vous vécu cette expérience cinématographique et que vous a-t-elle apporté ?

BC : J’y ai beaucoup travaillé et ce fut une expérience très importante. Mais dans l’art, le terme « travail » est pour moi avant tout une forme d’inspiration, de détermination, de nécessité absolue. Franchir les épreuves qui mènent à la concrétisation d’un long métrage, est comme la traversée d’un océan.
  
La création cinématographique m’a apporté aussi un regard aussi sur mes créations chorégraphiques.

  • IR : Pour terminer, que retenez-vous de votre venue à la Réunion, et quels sont vos projets ? Envisagez-vous de revenir dans le département en d'autres occasions ?

BC : L’île de la Réunion m’a conquise. Par sa beauté, sa végétation tropicale, ses habitants… Je m’y sens bien. J’ai aimé travailler et danser et j’espère y retourner. Des projets sont en attente, j’ai confiance, le moment arrivera bientôt …

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Site Internet

 
       

   Si la Compagnie Prana est basée à Rennes, son rayonnement dépasse largement la région bretonne, et le site officiel de la Compagnie vous donnera un bon aperçu de son activité. Il propose deux grandes rubriques principales, consacrées aux spectacles et à la pédagogie, puisque les cours, stages, ateliers et autres conférences constituent une part importante des actions de Prana.
   Le site officiel de la Compagnie Prana se trouve à cette adresse : http://www.compagnieprana.com

    

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