O
DEUXIÈME PARTIE
Hindouisme et changement religieux
dans la société réunionnaise

                        

          1. Hindouisme et créolisation

 1.2. Hindouisme et pratiques religieuses créoles

     Les pratiques rituelles hindoues attirèrent rapidement des franges dominées de la population, les indiens ne pouvant que les accueillir étant donné l’ « interdiction » de refuser les volontaires à la foi hindoue (GHASARIAN 1991, 152). Ces rapprochements de la population créole vers le culte hindou furent considérablement motivés par les métissages qui, nous l’avons vu, opérèrent très rapidement malgré une volonté affichée des familles de conserver un principe d’endogamie ethnique. Selon J. BENOIST, le métissage est plus qu’un mélange biologique mais un « tissage de filiations » (J. BENOIST 1998, 265). Dans cette optique on se rend compte que les multiples ascendances permettent, si les liens ancestraux persistent un minimum, de se tourner vers de multiples pratiques religieuses (partiellement) intégrées selon les situations.

     La diffusion de la pratique hindoue

     Ces parties de la population, relativement paupérisées, semblaient rechercher au sein des cultes populaires hindous une puissance capable d’aller à l’encontre de leurs malheurs quotidiens. Mais au-delà de cela, le partage de ces cultes semblait cristalliser l’expression d’une solidarité entre groupes dominés face aux exploitants, à la volonté assimilationniste de la France en général et plus tard aux changements sociaux. Il est important de préciser que la population indienne, soucieuse de conserver son statut symbolique particulier – et dans une tentative de conservation d’un ordre hiérarchique qui, nous l’avons vu, se calque sur celui de la plantation – porte une attention particulière à la place que chacun occupe au sein du culte. C’est la raison pour laquelle elle ne confiera aux parts les « moins pures » de la population créole – c'est-à-dire les kaf (cafres) – que les étapes rituelles correspondant à ce statut inférieur (c’est pour cela qu’aujourd’hui, s’il est courant de voir les kaf ou batar-kaf battre le tambour en procession, il est en revanche moins fréquent de les voir franchir le brasier lors d’une marche sur le feu) (BENOIST 1998, 80-81). En s’appropriant des parts du rituel hindou et en utilisant la structure de cette religion (lieux, rites, etc.), la population créole donna en quelque sorte naissance à une religion populaire qui, issue de l’hindouisme, quitta « son identité exclusivement indienne pour devenir proprement réunionnaise » (J. BENOIST, 1998 : 267) et devint le lieu d’un contre-pouvoir et d’un espace de contestation fort de sa puissance symbolique.

         
Les peaux des « tambours malbars » sont chauffées au-dessus d’un fût de braises à
l’avant de la procession (au centre). Le cortège descend ensuite à la chapelle où le brasier a
été préparé par le prêtre (à droite). Chapelle Paniandy, Bras-Panon, 14 juillet 2006.

     Ce passage de conceptions indiennes dans l’univers de réalité créole et leur intégration à la périphérie de la religion catholique des masses populaires est à l’origine des croyances créoles communément partagées dans la sphère religieuse globale. Ce sont principalement ces aspects exogènes, associés à de la sorcellerie, que l’Église catholique dut combattre parmi ses fidèles et que les nouvelles églises d’aujourd’hui tentent de « diaboliser » (c’est notamment le cas de la mission pentecôtiste « Salut et guérison » très fortement implantée à La Réunion (1)).


1 Mission dont l’influence en milieu malbar a été étudiée par Bernard BOUTTER (2003). Cf. bibliographie. (Retour au texte)

Haut de page


Accès au sommaire du mémoire


Retour à la page précédente

    

SOMMAIRE du SITE