C'est à travers un voyage
visitant des mythes et des légendes, faisant appel à des expériences
communes à tout un chacun, que nous nous glisserons dans un petit
récit illuminant notre regard sur ce qui fait d’elle cette
« femme ».
Alliant coutume
et tradition, modernité et évolution en notre terre Guadeloupe, je
dois dire que la survivance de tout « son art », se fait encore
ressentir même après plus de 150 ans.
Mais sans trop nous attarder dans notre voyage
romanesque, arrêtons-nous un peu dans une petite librairie
historique pour donner une vue du ciel, de ce qu’il nous sera amené
à peindre au fil de notre lecture.
A un moment ou un autre, l’Inde, après avoir été
colonisée, s’est sentie revivre sous une domination coloniale, et
ce qui ne l’avait pas tuée l’a rendu plus forte aux yeux du monde.
Ces étrangers, venus sur leurs navires, n’ont pas fait
que secouer ce grand arbre pour en arracher fleurs et fruits qui ont
fait la richesse du monde entier, de même que, quand les vents
s’abattent sur le poirier et font tomber ses fleurs, celles-ci ont
une chose de bénéfique : elles s’exportent et se déposent à
l’endroit que la providence jugera propice à l’épanouissement de
chacune d’entre elles.
Guadeloupe, Martinique, Trinidad et Tobago, Jamaïque…
autant de contrées de par le monde et au gré des vents où ces fleurs
se sont destinées, et au sein desquelles elles se sont retrouvées,
dans ce climat qui régnait dans notre belle Caraïbe.
Pour ce qui est de notre histoire, nous sommes ravis de
voir que pour une fois ce n’est pas le papillon qui s’est destiné à
l’une de ces fleurs, mais bien la fleur, qui a su trouver son
papillon : la « Guadeloupe ».
A cette fleur s’est alliée plus qu’une nouvelle vie,
pour ces engagés indiens. Et dans son voyage il y avait sûrement un
parfum d’espoir et de bonheur… un sacrifice pour une autre vie…un
autre départ pour une existence plus heureuse que ce qu’elle avait
jusque là connu.
Il n’y a qu’une seule terre et un même soleil pour
tous, et ces engagés indiens, bien qu’ayant connaissance de la
distance qui les séparait de leur pays, ont trouvé dans les mythes
et les légendes, dans les cultes liés à leurs divinités un
attachement à la mère patrie.
Épices riches en goûts et en couleurs, sarees, talons,
matalons, chants et musiques… C’est tout une mémoire de souvenirs,
qui s’est logée en eux.
Assumant la
lourde tâche dont les dieux l’on chargée, c’est sous le regard de
Madurai Veeran, Shiva, Kali, Malièmen, Nagouloumira, Ganesh, que
notre fleur s’éparpillera dans la région afin d’optimiser au mieux
sa conquête de ce nouveau monde, et de mener à bien sa mission.
Et c’est dans cette figure de la
femme indienne que l’on retrouve cette perpétuation de nos
origines, qui transcende et fait vibrer encore aujourd’hui notre
terre Guadeloupe. Et l’élégance des personnages qui vous seront
présentés vous en dira peu par les mots qui les décrit, mais sera
par ce qu’elle sous-entend une allégeance pour votre âme.
Sati, Parvati, Sita, Kali, Boumi, Vèly, Madéguèssi,
Shandramadi, Nallatanga… Autant de noms qui nous sont familiers
pour au moins l’une d’entre elles. Mais ce sont les histoires qui
les mettent en scène qui ont fait leur renommée dans notre culture.
Tant sur le plan moral qu’éthique, elles ont laissé à travers nous
des principes, des dogmes qui nous ont donné un enseignement de vie
véhiculé par nos ancêtres.
Et quand la chance nous est donnée d’écouter un aîné en
parler, il est rare de ne pas le voir pleurer ou « frissonner », ou,
même quand il chante, vivre de tout son être ces épopées, qui le
fascinent et qui lui ont donné du courage pour vivre et aller mieux.
C’est de ces figures féminines que vient, je pense,
la faculté que j’ai de tout ramener à ce qu’elles font, leur
manière de penser dans leur vie de tous les jours, avec cependant
une touche à elles d’élégance et de parcimonie, qui en font des
êtres singuliers par l’histoire même que leur ont légué leurs
ancêtres. Et l’on retrouve une petite parcelle de ces divinités
hindoues en elles.
Toutes les femmes sont certes bien divines, mais rares
sont les peuples qui savent d’où provient cette divinité, et surtout
quelle est leur histoire, à chacune d’entre elles.
Sans trop vouloir m’avancer, je vais
vous faire une brève description de ces « femmes indiennes » de
légende et des applications que l’on peut faire de leur « histoire »
dans la vie de tous les jours. Mes sources proviennent pour la
plupart du bouche à oreilles ou encore des lectures que j’ai pu
faire sur ces personnages de légendes et d’histoire qui touchent
encore l’âme de ceux qui ont eu l’occasion de les « côtoyer » le
temps d’une lecture ou encore d’un chant.
-
La plus connue de toutes, « Sati
ou Parvati », pour l’honneur de son mari a préféré remettre
son corps charnel à son père qui refusait son union avec Shiva.
Je ne pense pas qu’il s’agisse de fierté et d’égo… Mais comment
vivre et accepter la vie pour une femme, si la personne
programmée génétiquement pour l’aimer se refuse à accepter son
bonheur ?
La bénédiction des parents est une
chose qui tient à cœur à la femme indienne. Son père est souvent
une petite partie de son mari et cela lui très cher. En effet, il
est très important pour elle que celui que son cœur a choisi puisse
faire la joie aussi de l’être qui l’a vue naître.
-
« Sita », connue en
grande partie pour sa fidélité et l’amour sans limite qu’elle
avait pour son mari Rama. Exilée dans la forêt par celui-ci,
elle continua à l’aimer, même dans son malheur dont il était
pourtant à l’origine.
Elle ne donne son amour qu’une
seule fois, et c’est toute son âme qui se perd à ce jeu. Le pire
comme le meilleur est accepté par sa personne. Elle n’est pas naïve
ni même stupide. C’est à ce moment qu’elle croit le plus en
elle-même et chaque passion amoureuse embrasse un peu plus ce qui
fait l’éternité de son monde : « l’Amour ».
Ce n’est malheureusement qu’après sa
disparition que Rama s’est rendu compte de son amour pour elle.
- « Kali »… Dieu seul sait que
même l’enfer n’est rien à côté d’une femme trahie.
L’amour comme la haine abonde de
solutions en notre personne quand ils veulent assouvir leurs soifs,
et rien ni personne ne peut se mettre à travers son chemin, quand
elle veut une chose ou lorsqu’une personne lui a fait du tort. Rien
n’est impossible… Il faut qu’il y ait réparation quitte à remuer
ciel et terre. Soulignons juste à travers cette figure le courage et
la volonté de faire ce qui doit être réalisé selon elle.
-
« Boumi », fut la première
femme de Madurai Veeran. Elle était une princesse et était en droit
d’attendre plus de la vie, du moins pas qu’un garçon de sous caste
comme Maldévilin puisse venir lui faire la cour. Cependant, avec le
temps elle finit par aimer et accepter ses faveurs s’enfuyant avec
lui contre toute attente.
La femme indienne a le goût de
l’aventure. Elle aime qu’on la surprenne et qu’on l’épate. Et l’on
peut voir dans cette histoire que peu importe le rang social de
celui qui la courtise, c’est ce que ce dernier est prêt à faire
pour elle qui compte vraiment et cela peut lui faire perdre la tête.
Elle se sent plus que revivre, puisqu’elle est aimée et qu’elle se
sent aimée.
Elle est de nature sensible et
ferme rarement la porte à une personne qui souhaite son aide. Elle
ouvre son cœur et même si elle connait les répercussions que cela
engendrera en elle, aussi sévères qu’elles puissent être, elle y va
quand même.
-
« Shandramadi ». Son histoire
n’est pas à envier, mais retenons d’elle, la ferveur et la foi
qu’elle a toujours eu en son mari, sa positivité. Même lorsqu’elle
passa du statut de reine à celui de servante, jamais elle ne laissa
le doute envahir l’amour qu’elle avait pour son mari, dévotion,
noblesse d‘âme, espérance, et combat ont toujours siégé en elle, et
même dans la mort elle souhaita être à ses côtés. Son fils, qui
jamais ne la quitta, lui donna la force et le courage de continuer à
vivre et à espérer mieux du destin.
La femme indienne aime ses enfants
plus qu’elle-même. L’amour maternel qui siège en elle est sans
pareil. Son enfant est plus qu’une petite partie d’elle-même : il
s’agit d’un don, un paradis qu’elle voit grandir et dont elle est
la seule bénéficiaire. Il n’y a qu’une femme qui peut comprendre
cela, je pense.
La femme indienne est prête à tout
faire pour ses enfants, et préfère mourir quitte à les voir rester
sur cette terre et vivre dans la misère. Rien ne serait plus pénible
pour elle, même pas la mort. Jamais elle n’acceptera de voir sa
progéniture subir ce qu’il y a de plus révoltant et de détestable
en ce monde. Elle endure bien des choses mais son âme supporte mal
la honte. Elle est une personne humaine… Elle a certes des qualités
et des défauts mais tient particulièrement à ce qu’on l’a respecte.
Après ces brefs résumés de la vie de
certaines d’entres elles, vous comprendrez que la tâche entreprise
n’est pas si facile. Elles sont si nombreuses et leur histoires si
riches… Je continuerais en donnant cette fois
quelques appréciations de mon expérience, si jeune, en
m‘adressant a vous maintenant, et ne soyez pas dures avec moi… Je
ne serai pas tendre vous concernant, puisqu’une personne digne de ce
nom doit pouvoir aimer le meilleur comme le pire, si tant est qu’il
y en ait.
Dans notre société, le Femme
indienne a toujours été, et reste discrète. Cela est dû peut-être à
sa nature. J’ai toujours entendu dire que les filles indiennes sont
spéciales… Spéciales, dans leur spécialité, je pense.
Il y
aurait beaucoup à dire je pense, mais on en fera un autre texte ou
plutôt un autre tome.
Il faut dire que tout ce qui est joli
reste très mystérieux et tout ce qui est mystérieux nous attire et
nous fait perdre la tête. Elles sont des questions pour nous les
hommes, et elles croient que nous sommes les réponses. Parfois
personne ne sait qui est qui… Il faudrait penser à chercher « la
réponse à une seule et unique question. »
Leurs mères sont toujours très
soucieuses de leur vie… de qui elles fréquentent… de qui leur fait
la cour… et bien que cela les embarrasse parfois, je dois dire que
c'est dans ces seuls moments que la relation mère - fille prend et
atteint son excellence. Elles ne sont plus complices mais amies.
Voilà un schéma très « exponentiel » qui nous fait voir la beauté
des relations humaines : au-delà des liens du sang, il y a les
liens du cœur. « Qui est cette jolie demoiselle ? C’est ma fille ».
Ou encore : « Je vous présente ma fille ». J’ai toujours aimé
entendre cela : il y a tant de fierté et tant d’admiration à mettre
un petit bout de ce que l’on est en avant… un espoir… une espérance.
Mais parfois cette fille est l’arbre qui cache la forêt, et je vous
épargnerai les détails. Vous avez tous fait l’objet de cette
« fille » enfin si jamais « on avait su », et on en passe.
Lorsque je vous entends parler,
toute votre vie semble une réalité non voulue, mais acceptée. C’est
cela qui vous donne les moyens de toujours continuer à rencontrer ce
rêve auquel, petite fille, vous aspiriez déjà. Rien n’est jamais
facile en pensée pour vous et tout semble si simple dès que vous
vous mettez à en parler.
Vous êtes proche de l’homme que vous
aimez, et bien qu’il puisse virevolter parfois à droite à gauche,
vous continuez à rester auprès de lui puisque vous aimez le fait,
« qu’il vote les lois et que c’est vous qui les faite appliquer »…
(L’autorité, j’entends ici). Vous n’avez pas besoin de beaucoup
pour être heureuse et vous sentir bien. Dès que les choses qui vous
tiennent à cœur sont là, c’est l’essentiel.
Vous savez tirer le meilleur de
toutes les situations et vous savez ce que vous devez faire et ne
pas faire. Vous avez le flair pour savoir tout à l’avance. Vous
aimez que l’on vous dise les choses même si l’on vous ment. Ce
mensonge aura servi, quelque part, à vous sentir heureuse.
Rien ne peut être vrai dans tout ce
que je vous ai raconté. Il s’agit d’une histoire ou même une
légende… Petite pensée de moi-même. J’ai au moins essayé de résoudre
la question en me basant sur les choses que je sais de vous.
Peut être qu’il y a eu du vrai et du
faux. Mais ces mots ont le mérite de n’avoir été écrits que pour
vous. Vous êtes plus sensibles à l’imaginaire, soyez donc
indulgentes avec moi.
Vous restez un mystère connu de
« nom » seulement… un langage que je ne peux démystifier… On ne vous
connaît vraiment que quand l’on « tombe amoureux » de vous. Puis une
fois que l’on vous a perdu, l’on se rend compte que l’on « vous aime
vraiment ». Ce n’est pas si facile. Pourtant vous demandez le
minimum : « être aimé. »
Votre façon d’aimer n’est pas si
différente des autres femmes : vous restez après tout femme et nous,
homme. C’est tout ce qu’il y a autour de vous qui est différent :
l’univers familial, l’attachement aux valeurs, à l’humanisme qui est
de mise dans votre culture, à une élaboration pluri millénaire qui
se met en place dès que vous devenez mère, une institution
universelle faisant là, l’identité de tout un peuple qui se
concrétise en vous.
Vous êtes des rêveuses, des
amoureuses, et des mères heureuses…
Je me rends compte que même si mes
mots ont tenté de faire une reproduction de la personnalité d’une
femme et qui plus est, d’une femme indienne je ne pourrais peindre
qu’un petit paysage de l’idée que je me fais d’elle par mes propres
mots.
Mais j’ai le luxe de parler de vous
puisque j’en connais une qui m’aime plus que je ne l’aime moi-même,
qui tient à moi plus que je ne tiens à elle… pour laquelle aussi je
serai prêt à donner ma vie si cela était nécessaire. Elle reste un
ange, une femme que je ne pourrais jamais connaître pourtant la
seule qu’il m’ait été donné de côtoyer. Elle n’est ni belle ni
superbe, mais parfaite… ni méchante ni trop gentille, mais
attentionnée… c’est une partie de mon âme, une petite partie de moi-même, et cela je pense que toutes les filles aimeraient que l’on
puisse parler d’elles comme cela et je pense avec raison que ce
sera j’espère plus qu'une chance qui vous sera accordée puisque la
femme dont je parle est ma mère, ma « femme indienne ».
© Jonathan Soubarapa - 2010 |