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Indes réunionnaises
    

     LA COULEUR DE LA DÉESSE PANDIALÉ, HÉROÏNE DE LA MARCHE SUR LE FEU : BLANCHE OU JAUNE ?

   Patrice LOUAISEL


 Sur cette divergence qui fait débat, il y a, à mon sens, deux thèses : la thèse historique malbar réunionnaise d'une part, la thèse spirituelle d'autre part.

     C'est en effet, lors d'une conversation avec un prêtre malbar saint-marien que mon attention a été attiré sur cette divergence.

     Tout d'abord l'approche HISTORIQUE : Chacun sait que lors de l'esclavage, il fallait renier sa religion pour épouser celle des maîtres : le Christianisme catholique. Baptisé sur le lieu de traite, re-baptisé en arrivant à la Réunion de peur que cela ait été mal fait, la messe était obligatoire avec amende pour le maître qui n'aurait pas emmené ses esclaves à la messe du dimanche... l'absence de baptême aurait condamné l'âme du nouveau-né à devenir errante : en témoigne aussi le nombre de vestiges de "cimetières d'enfants morts sans baptême " qui n'avaient pas droit à être enterré dans le cimetière chrétien traditionnel. Il fallait alors, bien entendu être baptisé pour "bénéficier" de la communion mais surtout pour pouvoir se marier... Pendant l'Engagisme, les pratiques religieuses autres étaient tolérées dans les textes, d'où nos premières fêtes PANDIALE, des moissons et autres. En réalité, nos engagés travaillant sur l'exploitation subissaient de fortes pressions dissuasives les exhortant à épouser le Catholicisme. Là encore, l'église

"SAINT THOMAS DES INDIENS" - tristement abandonnée aujourd'hui - était un haut lieu de conversion.

     Obligés de renier leurs croyances au profit de celle des maîtres et donc de fréquenter assidûment l'église, les hindous ont pourtant continué en cachette à prier leurs divinités assimilant par exemple la Vierge Marie à Mariamen, le Dieu Krishna au Christ et même St Expédit à la déesse Karli...

Cette assimilation est encore fréquente notamment chez nos anciens, souvent adeptes de la double pratique religieuse. Pour ceux-ci, la Vierge,comme la déesse Mariamen - on remarquera au passage la similitude des noms de Marie et Mariamen - sont pures et donc forcément de couleur blanche. Ce qui laisse entendre que la déesse PANDIALE ne peut être que de couleur jaune. C'est le choix majoritaire de nos Malbars contemporains.

     En second lieu l'approche SPIRITUELLE : tout le monde connaît la légende de PANDIALE qui a dû marcher sur le feu pour prouver à son vieux Sage de mari, Arjuna, (qui avait donc fait voeu de chasteté) qu'elle lui était restée fidèle. Réussissant à marcher sur les braises sans se brûler, elle lui prouvait ainsi sa fidélité et sa pureté. Quelle est la couleur universelle de la pureté ? : sans conteste, le BLANC, la déesse Mariamen se voyant dès lors dotée du JAUNE.

     Ou  est-ce parce que la couleur blanche est celle du Christianisme mais surtout des veuves (chez les Hindous)-qui ne peuvent s'approcher d'un espace sacré- que majorité de nos malbars ont préféré l'approche historique, habillant leurs pénitentes de jaune lors des marches sur le feu ? En tout cas le débat reste ouvert.

     Concernant les couleurs bleues et rouges ...j'aurai une hypothèse à proposer : le Bleu est la couleur du Catholicisme depuis toujours, tout comme le blanc. On sait que la pression était forte pour que nos engagés deviennent chrétiens. La majorité d'entre eux, de caste SHUDRA -travailleurs agricoles et artisans- ou intouchables était analphabète. Et si nos missionnaires chrétiens pour trancher le débat, simplifier les choses et convertir en masse ces engagés, avaient choisi de leur inculquer le bon choix à travers les couleurs ? par exemple le bleu et le blanc, c'est la belle religion, celle d'un Dieu qui vous assure le paradis, et au contraire le rouge - comme par hasard la couleur de la déesse Karli, divinité préférée de nos tamouls réunionnais - comme une couleur satanique, celle du mal... Je m'interroge en effet sur le fait que notre société créole principalement catholique ait pu peindre en rouge les chapelles ST Expédit - qui font débat et désordre chez les Chrétiens - et même la tombe de Sitarane, cet assassin célèbre qui n'était pourtant qu'un engagé mozambicain, comme si on voulait en éloigner le bon peuple et lui démontrer que la pratique hindouiste était satanique. Qu'en pensez vous ?

© Patrice Louaisel - 2008

 

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