...Vous avez la parole sur
Indes réunionnaises
    

     SITA SINGS THE BLUES - Critique du film

    Alicia PRATX


  

   Trois notes de blues et la voix d'Annette Hanshaw éraillée par le temps, un déhanché de Sita et le vinyle qui flanche ; la scène d'ouverture du nouveau film d'animation de Nina Paley a des airs de mirage surgi des flots. Déjà, tout est dit, l'essence du film est là, cocktail explosif aux couleurs éclatantes, subtil mélange des genres à la fraîcheur presque adolescente.

     Mais sous une apparente légèreté et de nombreux traits d'humour, la jeune américaine signe ici une œuvre mature qui parvient à restituer avec justesse une des plus grandes légendes de la mythologie indienne, le Râmâyana.

   Décortiquée avec soin par trois personnages attachants, rieurs et délibérément railleurs, surgis tout droit du théâtre d'ombres indien, l'histoire d'amour de Rama et de Sita trouve ici un nouveau souffle, dans une Inde aux multiples facettes, tour à tour antique et majestueuse,  légère, drôle et presque enfantine. Des miniatures traditionnelles, habilement animées, aux collages parfois osés qui font sourire, en passant par des croquis de bande dessinée ou des animations  que l'on pourrait croire sorties de jeux vidéo, la jeune réalisatrice construit un monde en pleine effervescence et  nous livre une belle démonstration de style, déjà récompensée dans de nombreux festivals à travers le monde.

     Mais Sita sings the Blues, c'est aussi - surtout - une histoire d'amour, une histoire de blues. La voix délicieusement fragile d'Annette Hanshaw nous berce et nous fait traverser le temps en un incessant aller-retour entre Sita et Nina. Et entre deux éclats de rire, la tristesse de leur histoire commune nous heurte de plein fouet. Sita demandant à ses dieux raison à pareil malheur, Nina implorant l'homme qu'elle aime de lui revenir : sous les couleurs vives et un style aux accents bollywoodiens, la réalisatrice nous fait complices de son histoire et nous montre l'universalité du tourment amoureux, du tourment insensé, celui-là même qui éloigna Titus de Bérénice, Rama de Sita.

     Et c'est l'humanité du combat qui frappe ici : pas de grande tragédie racinienne ni de souffrance majestueuse, pas de beauté bouleversante ni d'adieux déchirants, mais un simple visage rond de dessin animé, une poésie enfantine mais poignante. Sita qui chante le blues. 


© Alicia Pratx - 2009

 

Retour à la page précédente

    

ACCUEIL