3-Mission Indienne de l’Église

Du point de vue de l’Église, la question du nom revêtait naturellement une certaine importance. L’Église catholique romaine ne reste pas indifférente à la souffrance des hommes, c’est un fait, à condition que ses futurs ouailles se plient aux règles édictées par le Vatican. En 1870, la mission indienne se met en place dans l’île. La plaque tournante du dispositif devait être l’église St Thomas des Indiens (St Denis) mais les plans imaginés par les responsables du Clergé n’ont pu trouver leur application, tant les résistances furent importantes. Le passage au nom chrétien ne s’est pas déroulé sans difficulté. Ainsi la présence de plusieurs prénoms (chrétien et tamoul) serait un signe de cette résistance.

Les engagés Indiens qui sont retournés dans leur pays natal à la fin de leur contrat n’ont pas eu à faire face à la problématique du nom. En revanche leurs compatriotes résidant définitivement dans la Colonie ont été confrontés à cette mutation. Hormis quelques cas d’Indiens provenant des comptoirs français, portant un prénom catholique et/ou français, les « nouveaux Réunionnais » devaient réfléchir à l’avenir de leurs enfants dans la Colonie. Ce n’est pas, par hasard qu’un descendant d’immigrants indiens affirme que ses parents ont changé de nom, « depuis qu’ils ont remarqué qu’il était plus facile de réussir aux examens en  s’appelant Arthémise que Coutinpermal »[3].

L’espoir d’un mieux être, être comme tout le monde, c’est-à-dire le droit commun.

 

4-Modification des noms, pratique courante

La référence constante aux noms Malbar, croyons nous, dans La Réunion du 21e siècle renvoie à une interrogation identitaire et sociale, peut être sur le positionnement de ces descendants d’immigrés dans ce bout d’Europe du Sud ?

Si il y a encore des esprits éclairés pour estimer que le débat sur les noms indiens à La Réunion, ancienne Bourbon, n’a pas lieu d’être posé, il conviendra de justifier les nombreuses références verbales aux noms des aïeux dans les conversations familiales. Pas un mois, pas une semaine, ne s’écoule, sans qu'un parent, de préférence un peu âgé demande à tel ou à tel autre, s’il n’est pas parent de celui-ci ou de celui-là !

Faut-il aussi penser que tout un peuple est pris de crise paranoïaque, lorsqu’il martèle que le nom de ses aïeux a été l’objet de modifications, de contorsions, bref d’escamotage ?

Pour paraphraser Paul VEYNE, nous ajouterons que :

« les historiens racontent des évènements[4] vrais qui ont l’homme pour acteur (…). Comme le roman, l’histoire trie, simplifie, organise,  fait tenir un siècle en une page. ».

Ainsi il ne porte pas de jugement ni péremptoire, ni définitif.

En revanche il est en droit de s’interroger sur les limites de l’assimilation.

     Ex : Emyrène Ringaman RATINOM née  le 12 juillet 1936 à Saint-Paul, fille de  Venougobal Appassamymodeliar RATINOM et Moutouallaguin Allagapachetty. On notera que l’état-civil lui a permis exclusivement de conserver RATINOM (au départ un prénom).Son père, Venougobal était le fils de Appassamymodeliar RATINOM venu à La Réunion en tant que chef cuiseur, probablement à l’usine de Bois-Rouge (Saint-André).On lui aurait offert une montre en or, pour le convaincre de se rendre à La Réunion. Venougobal riche propriétaire de Ste Marie, aimait les jeux de hasard même à bord, lui-même possédait un navire. Comme beaucoup de Réunionnais, d’origine indienne, Emyrène Ringaman RATINOM  regrette cette « identité estompée ».

 


[3] Témoignage de  O. Arthémise (anciennement Coutinpermal) dossier sur les noms des Réunionnais, Le Quotidien de La Réunion  (27 février 2005) , P.11
[4] VEYNE Paul, COMMENT ON ÉCRIT L’HISTOIRE, essai d’épistémologie, Coll. l’Univers Historique, 350 pages, Le Seuil, 1971


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